samedi 16 mars 2013

La mort de la mort. Numéro 47. Février 2013.


Citation du mois: Do not die (Ne pas mourir). C'est la réponse de Bill Gates lors d'une interview le 13 février 2013, en réponse à la question : Anything left on your bucket list? (Vous reste-t-il des souhaits non réalisés?)

Thème du mois: Longévité et déclin de la violence.

L’être humain n'est pas -et de loin- la seule espèce qui pratique la violence allant jusque la suppression d'individus de son espèce. C'est une pratique courante pour de nombreux mammifères. Les deux espèces les plus proches de l'homme sont le chimpanzé et le bonobo. La première espèce pratique ce que l'on pourrait appeler l’ancêtre du génocide : lorsque deux groupes inégaux d'individus s'affrontent dans la forêt équatoriale, un groupe peut éliminer totalement l'autre.

Dans ce domaine comme dans d'autres, ceux qui pensent se souvenir du bon vieux temps ont tort. Depuis le commencement de l'histoire de l'humanité, les humains ont usé de violence les uns envers les autres. Il y a même une forte probabilité, mais pas une certitude, que cela ait été un facteur important de la disparition d'une espèce d'hominidé qui était supérieure à nous, notamment par la taille de son cerveau, l'homme de Néandertal. Les hommes ont été violents de tout temps. Le terme "homme" peut d'ailleurs être utilisé dans ce contexte non pour l'ensemble de l'espèce humaine mais principalement pour les individus mâles. La violence aboutissant à des lésions et à la mort des adversaires est et reste en effet beaucoup plus courante chez les hommes que chez les femmes (environ 90 % des meurtres). 

La mise à mort des adversaires, des concurrents ou simplement des individus différents était beaucoup plus fréquente, au moins en temps de paix, par le passé qu'aujourd'hui. Dans certains groupes humains de petite taille, les morts suite à des affrontements pouvaient concerner 50 % des individus mâles.

Aujourd'hui, les morts violentes, particulièrement dans les pays riches, sont devenues beaucoup moins fréquentes. La femme ou l'homme ne peut plus être tué volontairement sous aucun prétexte. En temps de paix, la mise à mort n'est plus admise entre individus ni par l'État sauf dans les cas de légitime défense, Souvent, nous ne percevons pas cette évolution positive parce que, en même temps que la violence diminue, elle est plus médiatisée et nous parait de plus en plus inacceptable. Il est donc utile de se remémorer que des expressions comme "Ce lieu est un coupe-gorge" étaient à comprendre littéralement il y a quelques siècles alors que les meurtres pour faciliter le vol sont aujourd'hui très rares.

Cette évolution positive a des causes culturelles et sociales variées. Elle s'explique notamment parce que l'évolution culturelle fait de la vie humaine un bien de plus en plus précieux, parce qu'éliminer un adversaire n'est plus utile à notre survie et parce que, dans nos sociétés de plus en plus interdépendantes et mixtes, l'autre est de moins en moins étranger.

Une autre des raisons de cette évolution est l'âge moyen des citoyens, hommes et femmes. La courbe de criminalité et d'usage de la violence varie en effet selon l'âge. Pour les actes de délinquance violents, les périodes de la vie les plus dangereuses se situent aux alentours de la fin de l'adolescence et au tout début de l'âge adulte. Après, très rapidement, la violence décroît. Cette décroissance ne se produit pas parce que les gens plus âgés deviennent incapables d'être violents, mais parce que l'apprentissage de la vie sociale assure un respect plus grand des règles. Une société à la moyenne d'âge plus élevée est donc une société moins violente.

Par ailleurs, plus les causes de décès prématurés sont nombreuses, moins la vie humaine est précieuse. Moins une personne vit longtemps, moins nous avons du temps et des raisons matérielles et psychologiques de nous respecter, de nous attacher et de nous protéger les uns les autres. Ainsi, il y a quelques générations encore, une part importante des enfants mouraient en bas âge et l'infanticide faisait l'objet d'une moindre condamnation morale que les meurtres "ordinaires". Lorsque les décès en bas âge étaient courants, les mères, et plus encore les pères, s'attachaient nettement moins aux nourrissons et jeunes enfants.

Nous pouvons supposer que, si demain, la mort par vieillissement devient un phénomène rare et lointain, la progression en matière de respect de la vie humaine sera spectaculaire, particulièrement si les relations entre individus sont marqués par le respect de l'autonomie de chacun. Aujourd'hui, tuer, c'est simplement avancer un décès inévitable à terme de maximum environ un siècle. Demain, cela pourra devenir commettre un acte irréparable et mettre fin à une durée de vie indéterminée.

Une vie en bonne santé beaucoup plus longue peut donc être une garantie d'effet de pacification pour trois raisons différentes, mais qui se rejoignent:

  • Parce que la délinquance violente est moins le fait des hommes murs que des hommes jeunes;
  • Parce que la vie humaine devient beaucoup plus longue et donc beaucoup plus précieuse;
  • Parce que lorsque la vie humaine est beaucoup plus longue, nous avons beaucoup plus de temps pour nous apprécier, nous respecter.

Les lignes qui précèdent décrivent des aspects positifs des évolutions sociales, culturelles et technologiques. Mais un autre aspect important doit malheureusement également être souligné. En même temps que la vie humaine devient plus précieuse, jamais dans l'histoire de l'humanité, il n'a été aussi facile de se détruire les uns les autres. Les progressions technologiques permettent de protéger toujours plus les individus, mais les développements potentiels d'utilisations destructrices des connaissances et des technologies sont également gigantesques. Tout ce qui permet aux femmes et plus encore aux hommes d'être plus enclins au respect des autres, d'être passivement et activement non-violents  et tout ce qui fait des hommes et des femmes des êtres plus "solides", plus "résilients" pourrait se révéler fondamental pour l'avenir de l'humanité.


La bonne nouvelle du mois: création d'une fondation pour la lutte contre le vieillissement


Un groupe de milliardaires a créé une fondation qui octroie une récompense appelée Breakthrough Prize in Life Sciences (Prix des avancées capitales dans les sciences de la vie). Onze scientifiques ont reçu chacun trois millions de dollars pour leurs découvertes permettant notamment d'allonger la durée de la vie humaine. Ce prix est financé par divers mécènes dont le cofondateur de Google, Sergey Brin, et  le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg.

Il s'agit du prix le plus important jamais créé dans ce domaine. À la différence de nombreuses recherches financées par des sociétés pharmaceutiques ou médicales, les lauréats n'ont pas d'obligation liée à l'obtention de la somme d'argent. Les lauréats sont cependant encouragés à donner des conférences. Mais celles-ci seront accessibles à tous sur le site internet de la fondation et pourront donc contribuer à l'élargissement et à la diffusion des connaissances en matière de longévité.
  

Pour en savoir plus :

·         De manière générale: http://heales.org, http://longecity.org, http://sens.org et http://immortalite.org
·         Le thème de la violence et de la longévité est abordé dans le livre "Et si on arrêtait de vieillir. Réalité, enjeux et perspectives d'une vie en bonne santé beaucoup plus longue".
·         Source de l'image: Le massacre des innocents - Giotto - Scrovegni

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