dimanche 2 janvier 2011

La mort de la mort. Numéro 21. Décembre 2010.

Nous pourrions ne pas survivre aux 20 prochaines années. Nous pourrions ne pas guérir le vieillissement. il n'y a rien d'inévitable à notre succès. Chaque personne qui est suffisamment douée pour faire une contribution devrait chercher à aider sur tous les fronts, par tous les moyens éthiquement acceptables comme si c'était une question de vie ou de mort. Parce que c'est une question de vie ou de mort. William Andregg. Fondateur de Halcyon Molecular (traduction).



Thème du mois: "L'opinion publique et l'allongement radical de la durée de vie".



Poser la question de l'attitude de l'opinion à propos d'une situation encore scientifiquement hypothétique peut paraître curieux. Cependant les citoyens sont abordés depuis des générations à propos de leur croyance religieuse. Et notamment à propos de leur croyance concernant un évènement malheureusement scientifiquement encore bien plus hypothétique: la survie de leur conscience et de leur âme après le décès.

A chaque nouvelle année, nous sommes des milliards à nous souhaiter bien du bonheur en ajoutant des mots comme "et surtout une bonne santé pour vous et pour vos proches". Et à chaque fois que des proches ont des problèmes de santé, nous leur souhaitons un "prompt rétablissement". Jusqu'où va ce souhait?

Alors que les sondeurs et les sociologues notent, depuis des générations, une décrue lente et irrégulière au sujet de la croyance religieuse notamment celle de l'immortalité de l'âme, ils pourraient probablement noter aussi, si ce sujet avait été étudié régulièrement, une croissance lente et irrégulière de la conviction que les progrès technologiques permettront une vie plus longue. Et ce serait logique car durant l'espace de la vie des plus âgés de nos contemporains, l'impossible a cessé de l'être dans bien des domaines notamment médicaux.

Les débats qui touchent directement à la vie humaine suscitent des passions et des opinions tranchées. Presque chaque individu a un avis concernant la peine de mort, l'euthanasie, l'avortement et le suicide. Et ces opinions comprennent généralement l’une ou l'autre phrase qui débutera par "La vie humaine est précieuse mais...".

Le débat relatif à une vie plus longue grâce aux progrès de la médecine est proche de ces grandes questions mais il s'en distingue de deux manières:

- Il y a deux grandes catégories de doutes concernant les progrès en matière de santé: le doute technique et le doute éthique. Est-ce possible et, si c'est possible, est-ce souhaitable? Ou encore: Est-ce souhaitable et, si c'est souhaitable, est-ce possible?

- L'interrogation éthique est spécifique en ce qu'elle est essentiellement une interrogation sur l'utilité d'une augmentation des potentialités de l'être humain alors que les autres débats, de l'euthanasie à la peine de mort en passant par la question du suicide, posent des interrogations par rapport à la légitimité de la suppression d'une vie humaine (ou d'une vie potentielle) dans certaines circonstances.

Les principales études effectuées concernant le point de vue relatif à un allongement radical de la durée de vie ont été effectuées en Australie. Elles montrent des citoyens divisés. Mais il ne s'agit pas d'une division en deux groupes distincts d'opposants et de partisans d'une vie plus longue. Il s'agit plutôt d'un éparpillement d'opinions depuis l'opposition forte jusqu'à l'adhésion forte en passant par exemple par ceux qui souhaitent ce progrès pour les autres mais pas pour eux.

Plus largement, il est probable que la frontière entre le souhait de vivre plus longtemps et celui d'une limite "naturelle" est une frontière qui passe plus en chacun d'entre nous qu'entre les uns et les autres.

Mais certaines tendances se dessinent toutefois:

Les croyants (chrétiens) sont moins tentés par une vie plus longue.


Cette situation n'est pas surprenante. La plupart des religions promettent une vie après la mort, vie qui peut être bien plus agréable qu'ici bas. Cependant, la césure entre croyants et non croyants semble relativement peu tranchée. Il se pourrait que cela s'explique par le fait que bien des citoyens qui se décrivent comme chrétiens ne croient guère à l'immortalité.

Les hommes sont plus enthousiastes que les femmes

Cet aspect est plus curieux. A quoi est-il dû? Cela pourrait s'expliquer par le fait que les femmes mettent les enfants au monde ce qui les rattache à une vision plus "naturelle" du monde. Les femmes semblent d'ailleurs, de manière générale, plus réservées à l'égard des nouvelles technologies. Mais, par contre, on pourrait s'attendre à une réponse plus positive à des questions telles que "Souhaitez-vous que vos enfants vivent plus longtemps grâce aux progrès techniques?".

Les personnes âgées sont aussi intéressées que les jeunes


L'absence de différence importante selon les tranches d'âge pourrait s'expliquer par deux tendances contradictoires. D'une part, les jeunes sont généralement plus ouverts vis-à-vis des nouvelles technologies mais, d'autre part, les plus âgés sont les premiers bénéficiaires potentiels de progrès médicaux relatifs au vieillissement. Il est plus facile de refuser une pilule anti-vieillissement à 20 ans qu'à 80 ans. Il est d'ailleurs utile de noter que lorsque l'on demande à une personne combien de temps elle souhaite encore vivre, lorsqu'elle est en bonne santé, quel que soit son âge, il est très rare qu'elle souhaite un décès proche.

Ni les partisans ni les opposants d'une vie beaucoup plus longue ne disposent d'une majorité absolue.

Selon une des études australiennes citées, une étude téléphonique effectuée en 2009 et portant sur 605 citoyens australiens (de Brisbane), 65 % des sondés sont favorables à une recherche visant à ralentir le vieillissement mais seuls 35 % des citoyens utiliseraient ce type de technologie si elle devenait disponible. Il y a donc un pourcentage important de citoyens qui ne souhaitent pas bénéficier des recherches, mais qui ne souhaitent pas non plus les empêcher.

Pour ceux qui souhaitent vraiment par-dessus tout une vie longue et en bonne santé à leurs amis et connaissances au 1er janvier 2011, il reste à espérer que les opinions nuancées exprimées favoriseront la poursuite des recherches.


La bonne nouvelle du mois



Oscar Niemeyer, le célèbre architecte brésilien, vient d'inaugurer une fondation qui lui est consacrée à Niterói (ville voisine de Rio de Janeiro) et le futur Centre Culturel international qui portera son nom à Avilés en Espagne. Monsieur Niemeyer travaille toujours (en chaise roulante) dans son studio face à la plage de Copacabana. Il a fêté son 103ème anniversaire le 15 décembre 2010.


Source de l'image: cathédrale de Brasília dont Niemeyer fut l'architecte, photo personnelle