vendredi 27 février 2009

Moins de particules fines, plus d'espérance de vie, Mais surtout une vie plus longue grace au progrès

Je suis impressionné par la distinction faite inconsciemment ou consciemment entre certaines évolutions perçues comme très souhaitables aussi vite que possible pour la santé et d'autres évolutions perçues comme moins prioritaires.

Vous avez probablement déjà entendu ou lu à plusieurs reprises des interventions relatives au fait que la pollution atmosphérique faisait perdre une ou deux années d'espérance de vie, notamment les particules fines.

C'est très probablement exact. Encore que, étant donné que les pauvres habitent plus souvent dans les zones les plus polluées et que les citoyens pauvres ont une espérance de vie moins élevée, il peut y avoir dans certains cas une surestimation de causes relatives à la pollution par rapport à d'autres causes (moins de moyens médicaux, plus d'usage du tabac, alimentation moins adaptée,...). Pour prendre un exemple, je pense qu'il est très probable que l'espérance de vie dans les "vieux quartiers" est inférieure à celle des "beaux quartiers" de ma municipalité, mais je ne me hasarderais ni à dire que l'environnement (plus de pollution dans et en dehors des habitations) n'y est pour rien ni à dire que l'environnement atmosphérique est un facteur déterminant. Pour prendre un autre exemple, j'ai déjà lu que l'espérance de vie était moindre à proximité des grands axes de circulation mais j'espère que la composante sociale a été prise en compte dans l'étude concernée.

Mais je souhaite ici relever que, si les chiffres cités dans l'article ci-dessous sont exacts, un éventuel accroissement de 10 microgrammes par mètre cube aura pour conséquence une augmentation de la mortalité qui sera compensée en 2 ans par l'augmentation tendancielle de l'espérance de vie (actuellement d'un trimestre environ par an).

En fait, l'évolution de la pollution atmosphérique sur le court, sur le moyen et sur le long terme est positive, mais les exigences s'accroissent et c'est tant mieux. Si nous devions revivre une fraction du smog de Londres des années 50 (et encore bien plus celui du 19ème siècle), des mesures extrêmes seraient prises d'un jour à l'autre; si nous devions respirer à nouveau l'air des villes industrielles européennes d'il y a 30 ans ou même l'air enfumé d'un restaurant d'il y a à peine 10 ans, nous aurions l'impression de nous encrasser les poumons en quelques heures voir en quelques minutes d'exposition.

Mais mon propos est ailleurs. Loin de moi, un souhait de s'occuper moins des particules fines. Mais par contre, je regrette de ne (presque) jamais lire de demande d'accélération des recherches médicales (cellules souches, régénérations, recherches génétiques,...) qui permettraient une augmentation plus rapide de l'espérance de vie.

Le raisonnement implicite sous-tendu est, je pense, que la pollution est une nuisance apportée par l'évolution humaine et donc qu'il convient de l'éliminer aussi rapidement que possible tandis que la recherche de progrès médicaux est une amélioration rendue possible par les techniques ce qui est moins urgent.

Mais pourquoi est-ce moins urgent? Je voudrais faire un parallèle avec le dilemme imaginaire suivant:

A. Un train fonce vers un précipice. Il est possible de sauver les passagers du train en actionnant un aiguillage qui dirigera vers une voie de garage. Malheureusement, sur cette voie de garage, se trouvent deux personnes innocentes qui seront inévitablement écrasées si le train est dévié.

B. Un train fonce vers un précipice. La seule manière de sauver les occupants est de pousser une voiture sur les rails, véhicule qui va bloquer le train. Malheureusement, deux personnes innocentes sont enfermées dans la voiture et mourront écrasées si le véhicule est poussé.

Il y aura beaucoup plus de personnes qui se diront théoriquement prêts à sauver les occupants dans la situation A que dans la situation B (et j'aurais aussi beaucoup plus de mal à pousser la voiture qu'à actionner l'aiguillage). Mais les résultats en terme de vies humaines sauvées (et perdues) sont identiques.

Et je pense qu'il en est relativement de même pour les vies sauvées en permettant de respirer mieux ou en soignant mieux. Sauver une vie menacée par l'homme est normal, sauver une vie menacée par la "nature" est moins souhaitable.

Alors que moi j'estime que la personne qui pourrait être sauvée par le progrès technique n'a pas moins de droit à survivre que la personne qui pourrait être sauvée par la diminution de la pollution.

Votre avis m'intéresse.

Didier C.

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Moins de particules fines, plus d'espérance de vie Source http://www.lemonde.fr/planete/article/2009...50025_3244.html

LE MONDE | Article paru dans l'édition du 04.02.09.

"Il s'agit d'une étude historique qui sera citée des milliers de fois dans les années à venir", s'enthousiasme le professeur William Dab, titulaire de la chaire d'hygiène et sécurité au Conservatoire national des arts et métiers. Ce spécialiste des problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique salue ainsi le vaste travail de trois auteurs américains qui démontre qu'une réduction de la concentration de l'air en particules fines de 10 microgrammes par mètre cube (µg/m3) est associée à un accroissement de l'espérance de vie en moyenne de 0,6 année. L'étude a été publiée, le 22 janvier, dans le New England Journal of Medicine.

Diverses études ont jusqu'ici montré les effets délétères de la pollution par les particules fines (d'une taille inférieure à 2,5 microns ou PM2,5). Une augmentation de leur concentration de 10µg/m3 a été associée à une réduction de l'espérance de vie de 1,11 année aux Pays-Bas, de 1,37 an en Finlande et de 0,8 an au Canada.

Parallèlement, des chercheurs français publient dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, mercredi 3 février, une étude confirmant les effets à court terme de la pollution. "Le risque de décès de toutes causes ou pour causes cardio-vasculaires est significativement associé à l'ensemble des indicateurs de pollution", indiquent-ils.

Ce type de recherches épidémiologiques vise à établir le fait que ces particules constituent un facteur de risque pour la santé. Le mérite de C. Arden Pope (Brigham Young University, Utah) et des coauteurs de l'étude "est d'avoir établi pour la première fois une preuve expérimentale de l'amélioration de l'état de santé à partir de données cohérentes sur un large territoire", estime M. Dab.

CANCER DU POUMON

Les chercheurs ont compilé des données concernant 51 zones métropolitaines des Etats-Unis et celles de la pollution à différentes époques, entre 1970 et le début des années 2000, quand la qualité de l'air s'était globalement améliorée. Ils ont calculé que "la réduction de la pollution de l'air contribue jusqu'à 15 % de l'accroissement global de l'espérance de vie".

En octobre 2008, une expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) citait des travaux estimant qu'"environ 1 300 à 1 900 décès par cancer du poumon pourraient être évités chaque année dans 23 villes européennes si les niveaux de PM2,5 étaient ramenés respectivement à 20 et à 15 µg/m3." L'Union européenne ne s'est dotée pourtant que d'une norme maximale sur les PM2,5 de 25µg/m3 en 2010, qui ne deviendra contraignante qu'en 2015.

Paul Benkimoun