jeudi 6 juin 2013

La mort de la mort. Numéro 50. Mai 2013.


Vous n'avez pas osé  dire le mot "immortalité". Tous les médecins en ont peur. Tous les êtres en ont peur. Donc on recherche  l'allongement de la vie, comment aller mieux, comment traiter les maladies mais on n'ose pas parler d'immortalité. Or, la possibilité de trouver une pilule contre la mort est possible. Je ne dis pas que c'est certain, mais en tout cas, c'est une hypothèse à envisager.
Maurice Mimoun, chirurgien français, lors d'une émission scientifique à la RTBF (O Positif), le 18 avril 2013.


Thème du mois: les maladies cardiovasculaires


Dans des pays comme la France, la Belgique ou le Canada, environ 90 pour cent des décès sont causés par des maladies liées au vieillissement. Les trois grandes  catégories d'affections responsables de ces décès sont les affections cardiovasculaires, les cancers et les maladies neurodégénératives. En pourcentage de l'ensemble de la mortalité, les maladies cardio-vasculaires et les cancers sont d'une importance similaire. Environ trois décès sur dix ont un cancer comme cause et environ trois décès sur dix sont causés par une maladie cardio-vasculaire. En France, les hommes sont un peu plus touchés par les maladies cardio-vasculaires, les femmes, un peu plus par les cancers.

Les maladies cardio-vasculaires et les cancers ont un autre point en commun: beaucoup de citoyens ne les perçoivent pas comme des maladies liées au vieillissement. Il est vrai que ce ne sont pas des maladies exclusivement liées à la vieillesse, mais leur impact est considérablement plus important pour les personnes avançant en âge.

Les progrès en matière de lutte contre les cancers ont été abordés dans une
lettre de mars 2012. Dans les lignes qui suivent, seules les maladies cardiovasculaires seront abordées.

La mortalité cardio-vasculaire et les traitements aujourd'hui

En 2008, les maladies cardio-vasculaires ont été responsables de 27,5 % des décès en France. Les maladies cardio-vasculaires liées à l'avancée en âge ont toujours existé chez l'humain, mais leur impact important sur la mortalité est récent. La principale cause de l'augmentation récente de la morbidité et de la mortalité est la progression de l'obésité. Mais la consommation excessive de denrées alimentaires ne suffit pas. Un jeune adulte même beaucoup trop corpulent ne mourra pas de ses excès. L'âge est le premier facteur de risque inévitable.

Dans le cas de nombreuses crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux (AVC), l’événement final qui provoquera la mort se déclenche très peu de temps avant le décès et ceci alors qu'il y avait peu ou pas de signes de maladie auparavant. Ceci est particulièrement spectaculaire pour les hommes et les femmes encore relativement jeunes et donne l'impression d'un accident plus que d'une maladie. Mais ce déclenchement brutal est la conclusion d'un processus dans lequel l'usure ou l'accumulation aura joué, donc le vieillissement.

Pour illustrer l'influence de l'âge, il est par exemple utile de savoir qu'en Europe, environ 95 % des accidents vasculaires cérébraux en Europe se passent après l'âge de 45 ans. Aux Etats-Unis, en 2008, 224.000 personnes de 75 à 84 ans sont mortes suite aux maladies cardiovasculaires contre seulement 47.000 de 45 à 54 ans et 24.000 avant 45 ans.

Durant ces dernières décennies, les maladies cardio-vasculaires sont la catégorie d’affections liées au vieillissement pour laquelle les progrès ont été les plus rapides. Ainsi en vingt années, aux Etats-Unis (de 1980 à 2000), le nombre annuel de décès suite à ces maladies a décru de moitié. Ceci est dû principalement:
·         à une meilleure hygiène de vie particulièrement la diminution du tabagisme ;
·         à de meilleurs soins préventifs et curatifs, notamment la prise de certains médicaments assurant une "fluidification" du sang (dont la très classique aspirine) ;
·         à la progression de la médecine chirurgicale, entre autres tout ce qui concerne le caractère moins invasif et plus ciblé des interventions.
Des facteurs de morbidité sont par contre en croissance, le principal étant l'alimentation trop abondante et déséquilibrée.

Perspectives à court, moyen et long terme

Les améliorations envisageables dès aujourd'hui sont nombreuses. 

Des progrès considérables en matière de prévention sont possibles sans délai. Il s'agit principalement de promouvoir une alimentation plus équilibrée et surtout moins abondante, un exercice modéré et la poursuite de la réduction de l'usage du tabac. C'est à la fois facile, puisque le moyen  d'améliorer la situation est presque universellement connu et très compliqué parce que changer des habitudes perçues comme agréables est difficile. Une des raisons d'être optimiste est que les comportements des citoyens à cet égard varient fortement selon les pays, le milieu social et les influences personnelles. Ainsi, du fait de ces différences, les Japonaises ont un taux de maladies cardio-vasculaires très fortement inférieur au taux européen.

Des comportements collectifs perçus comme profondément ancrés peuvent être modifiés en quelques années. Ce que l'on appelle parfois le "Zeitgeist", "l'esprit du temps" peut se modifier d'une manière imperceptible, mais assez rapide et fondamentale entre autres dans le domaine des comportements alimentaires et physiques. Ainsi, dans certains pays, il a fallu moins de 10 ans pour que le tabagisme dans les lieux couverts passe du statut d'activité socialement acceptée à celui d'acte déconsidéré et malpoli, même dans des lieux tout à fait privés.

Dans le domaine strictement curatif, la chirurgie progresse rapidement pour tout ce qui concerne les interventions cardio-vasculaires. Les actes médicaux deviennent de plus en plus ciblés, rapides et efficaces. Les moyens d’exploration interne préalable à l’opération vont s’améliorer. Les automatisations devraient aussi diminuer les risques de pratiquer des actes chirurgicaux néfastes pour les patients. La mortalité diminue tant durant les opérations qu'après et les complications deviennent plus rares. Du fait du caractère moins invasif des opérations, de l'augmentation de l'espérance de vie et de l'augmentation des performances des médicaments diminuant l'impact de ces maladies, l'âge des patients sur lesquels  des opérations peuvent être pratiquées devient de plus en plus élevé. 

Enfin les traitements préventifs et curatifs médicamenteux sont très importants. L'usage de produits de mieux en mieux dosés, de plus en plus testés et de plus en plus ciblés se répand. Il semble bien, étant donné que l'âge est un élément majeur de risque et que des médicaments ont un facteur limitatif important sur  la maladie, que l'utilisation systématique de certains médicaments pour les personnes âgées aurait  un effet globalement positif pour la longévité.

Si tout ce qui précède devient applicable au plus grand nombre, la mortalité causée par les maladies cardio-vasculaires avant 80 ans pourrait devenir rare. A plus long terme, pour aller encore plus loin, des nanorobots sont  imaginables en tant que piste importante de progrès médical. Il s'agirait de machines de taille minuscule (de la taille d'une cellule ou bien plus petites). Celles-ci pourraient  détruire les agrégats qui se produisent dans les vaisseaux sanguins et, plus tard, réparer les vaisseaux endommagés. 


La bonne nouvelle du mois: multiplication des articles à propos de l'augmentation de la longévité

Le célèbre mensuel National Geographic de mai 2013 a comme couverture: "Longévité, ce bébé vivra jusque 120 ans". En France; le docteur Laurent Alexandre, auteur du livre "La mort de la mort" est intervenu sur de nombreux médias (Libération, le Monde, France 2,...) à propos de la longévité. En Belgique, la couverture du journal Moustique du 10 mai 2013 porte comme titre principal "Arrêtons de vieillir". Un peu partout progresse la perception que les perspectives de croissance de l'espérance de vie sont de plus en plus vertigineuses. Et progressivement, le nombre de ceux qui perçoivent que ces enjeux et ces espoirs ne sont pas que théoriques mais peut également concerner nos proches et nous-mêmes grandit aussi.

Pour en savoir plus
·         De manière générale: http://heales.orghttp://longecity.orghttp://sens.org et http://immortalite.org
·         A propos de la diminution de la mortalité cardio-vasculaire, voir notamment: Explaining the Decrease in U.S. Deaths from Coronary Disease, 1980–2000   http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsa053935

·         Source de l'image: Journal Moustique