lundi 31 août 2009

La mort de la mort. Numéro 6. Août 2009.


Au fond, personne ne croit à sa propre mort et dans son inconscient, chacun est persuadé de son immortalité. (Sigmund Freud, 1856-1939)

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Thème du mois: Les perspectives à long terme en matière de lutte contre le vieillissement

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Comme l'écrivait un humoriste, c'est extrêmement difficile de faire des prévisions surtout lorsqu'il s'agit du futur. Mais, en ce qui concerne la durée de la vie humaine, il est quand même possible d'envisager quelques évolutions.

Hypothèse pessimiste: les progrès des sciences s'essoufflent, petit à petit l'espérance de vie se stabilise. Sauf catastrophe, cette piste est peu probable. Il n'est pas certain que toutes les avancées ouvertes dans le cadre des progrès de santé produisent des effets, mais il est improbable que toutes les technologies prometteuses aboutissent à des culs-de-sac.

Hypothèse modérée: la tendance actuelle de progrès de l'espérance de vie en moyenne d'un trimestre par an dans les pays du Nord se poursuit comme elle s'est déroulée durant les trente dernières années. En l'an 2050, l'espérance de vie aura dépassé les 90 ans pour les femmes dans les pays comme le Japon ou la France. Dans les pays du Sud, la vie moyenne dépassera alors 70 ans presque partout. Mourir avant 80 ans sera un évènement perçu comme prématuré. Atteindre l'âge de 100 ans sera un évènement banal, surtout pour les femmes, mais pas majoritaire.

Mais ceci, ce sont les hypothèses en l'absence de progrès importants dans le domaine de la santé. Ce sont des hypothèses à supposer simplement que ce qui est déjà applicable aujourd'hui en matière de lutte contre les cancers, les maladies cardiovasculaires, l'obésité,... soit généralisé à tous progressivement au Nord puis au Sud.

Il est aussi possible d'envisager des progrès plus importants, notamment du fait de l'accélération des développements des connaissances scientifiques. Plusieurs voies sont envisageables:

- Les cellules souches. Aujourd'hui déjà, les capacités de régénération utilisées chez l'animal et chez l'humain sont testées. La perspective principale dans ce domaine est la possibilité pour ces cellules, issues du corps du patient, de régénérer ou remplacer les organes et les tissus sans difficulté liée au rejet puisque les cellules ont un patrimoine génétique identique. Le corps humain et plus encore le corps de l'animal ont déjà des possibilités de régénération importantes A terme, il est donc envisageable que le vieillissement en tout cas le vieillissement accéléré de certains organes s'interrompe. Des greffes ou des injections de cellules pourraient être effectuées par des procédés de moins en moins invasifs aussi aisés qu'une transfusion ou un baxter.

- Les sept sources de vieillissement selon Aubrey de Grey. Ce biogérontologue a défini ce qu'il estime être les sept causes du vieillissement. Il s'agit de 1) les mutations cancérigènes, 2) les mutations mitochondriales, 3) les déchets intracellulaires, 4) les déchets extracellulaires, 5) les pertes de cellules, 6) la sénescence cellulaire et 7) les protéines extracellulaires. Pour chacune des causes, Aubrey de Grey, considère que, si les efforts scientifiques et donc les moyens financiers sont suffisants, il sera possible d'ici 20 à 30 ans, de remédier largement au vieillissement causé et de prolonger la vie d'une vingtaine d'années. Ensuite, durant la période de temps nouvelle octroyée, il sera à nouveau possible de gagner 20 années et ainsi de suite. A ce moment, nous aurions atteintes la "vitesse d'échappement à la longévité", notre espérance de vie croîtrait aussi vite que le temps s'écoule.

- Les nanotechnologies: ici, nous sommes encore aux frontières de la science et de la science-fiction. L'élaboration de machines de plus en plus petites est réalisable techniquement. Ces machines pourront probablement un jour effectuer des tâches actuellement réalisées exclusivement par le corps humain ou par des interventions extérieures. Il est par exemple envisageable à terme de réaliser des micro-robots d'une taille d'une bactérie (1/1000ème de millimètre) détruisant sélectivement les cellules malades. Il s'agirait donc d'une machine minuscule effectuant de manière plus efficace un travail équivalent à celui des globules blancs. Petit à petit, chaque fonction du corps humain pourrait être prise en charge par un type de nanorobot.

- Le téléchargement de l'esprit. Il s'agit d'un futur à plus long terme aujourd'hui totalement hypothétique et de plus, pas nécessairement souhaitable. Imaginons qu'un jour nous arrivions à comprendre les neurones et leur fonctionnement. Puis que nous puissions remplacer un neurone par une unité informatique. Puis 1.000. Puis un million. Et puis un milliard. Un jour, les informations qui étaient dans les neurones pourraient être copiées sur un substrat informatique. Et ce jour-là, si la copie peut être complète et rapide, notre conscience pourra être sauvegardée et réutilisée. Ce domaine est actuellement encore de la pure spéculation, largement abordé dans la science-fiction, peu abordé au niveau scientifique. La réalisation un jour de ce type de copie n'est envisageable techniquement que si la conscience humaine (et d'ailleurs la conscience en soi) peut être réalisée sur un substrat non biologique.

Ce bref tour d'horizon du comment depuis le probable à l'hypothétique étant achevé, il reste la question du pourquoi. Pourquoi vivre plus longtemps? Ne serait-ce pas ennuyeux ou immoral? Ce sera le thème du prochain numéro.

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Le conseil pratique pour vivre longtemps: soyez heureux

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Les gens heureux n'ont pas d'histoire, dit-on. Mais ils vivent plus longtemps. Evidemment, être heureux, cela ne se décide pas. Bien sûr, il y a la question de la poule et de l'oeuf. Peut-être que les gens heureux vivent plus longtemps parce qu'ils sont heureux. Mais peut-être sont-ils heureux parce qu'ils vivent dans des circonstances favorables permettant une vie plus longue. Cependant, les études semblent bien indiquer qu'une approche positive de la vie, un sentiment de bonheur permet une vie plus longue.

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vendredi 21 août 2009

Pour une gauche prospective et donc technoprogressiste

Aujourd'hui, les progressistes ne rêvent plus guère de progrès techniques et ils ont tort. Ils contemplent des risques du passé ou du présent plutôt que d'imaginer le futur.

Les capacités informatiques et donc technologiques progressent à un rythme exponentiel ininterrompu depuis plus de cinquante ans. Nous ne le percevons pas encore pleinement, mais chaque année, les connaissances humaines et leur traitement sont plus gigantesques et plus immatérielles.

Ce qu'il y a un demi-siècle, nous aurions appelé sans hésiter de l''intelligence artificielle se répand. Traductions automatiques, corrections automatiques, indexations automatiques, copies automatiques. En fait, l'intelligence artificielle existe déjà, mais par morceaux. Du bras artificiel au moteur de recherches Google en passant par le GPS, il y a déjà bien plus pour chaque partie que dans les capacités humaines de domaines comparables.

Selon certains spécialistes informatiques, dont un nommé Ray Kurzweil, le jour où l'intelligence artificielle, surgira, son développement se fera, non plus à la vitesse de la physiologie, mais à celle de l'informatique. L'intelligence et la conscience se développeraient plus rapidement que l'intelligence humaine et peut-être indépendamment d'elle. Si nous souhaitons influencer ce futur pas si lointain, c'est maintenant qu'il faut orienter les recherches notamment dans une optique de respect, de développements des droits et d'égalité. Une fois le développement exponentiel entamé, il sera trop tard pour nous pour orienter les progrès.

En fait, l'accélération brutale (appelée par ceux qui annoncent cet évènement "singularité") est incertaine. Par contre, une poursuite des progrès techniques rapide qui rendra en quelques décennies le monde totalement différent du monde actuel est très probable sauf catastrophe majeure.

Une catastrophe majeure naturelle de type chute d'astéroïde, supervolcan,... est très peu probable. Ce type d'évènement ne se produit que rarement à l'échelle de l'histoire du monde et jamais ou presque à l'échelle de l'histoire de l'humanité.

Par contre, le risque de catastrophe causée directement ou indirectement par l'être humain n'est pas négligeable, risques directs ou risques indirects.

Le risque direct majeur est une escalade nucléaire. Le risque est moins grand aujourd'hui que lorsque l'Union soviétique existait, mais il reste bien présent. Cette escalade pourrait se produire suite à une crise politique ou par les conséquences en cascade d'une première utilisation d'arme nucléaire par erreur ou par la malveillance d'un groupe restreint d'individus.

Le risque indirect majeur le plus médiatisé est celui d'un réchauffement climatique trop rapide avec effet exponentiel déclenchant une crise humaine et économique majeure. Il s'agirait d'une crise qui désintègrerait les sociétés contemporaines, créerait des conflits sans équivalent et, par effet de "vrille", une diminution généralisée du bien-être puis des connaissances. Enfin, il y a le risque politique de crises éthiques, sociales et/ou économiques qui seraient tellement déstabilisantes qu'elles seraient suivies progressivement ou rapidement d'une interruption totale du progrès économique et scientifique et puis d'une régression.

Cependant, des catastrophes majeures avant la singularité ou avant les progrès techniques importants et rapides sont quand même relativement peu probables. Les intellectuels, les citoyens et les politiques adorent se raconter des scénarios catastrophes mais, en fait, durant ces trois derniers siècles, les sociétés humaines sont devenues plus grandes, plus prospères, plus instruites et donc plus résistantes aux catastrophes que jamais. Notamment parce que les gouvernements sont économiquement, intellectuellement et politiquement plus capables qu'hier de prendre des mesures: de la lutte contre la surpopulation à celle contre les effets de serre.

Par contre, la singularité ou les progrès technologiques comportent des risques d'autodestruction non négligeables. En effet, il est malheureusement quasiment certain que les avancées seront rapides et importantes tant dans l'art de construire que dans l'art de détruire.

Il est pourtant vain de vouloir s'opposer aux progrès technologiques, car ils ne pourraient pas être interrompus. Un arrêt volontaire de certains progrès par les acteurs les plus éthiques augmenterait les risques d'avancée plus rapide des progrès les plus dangereux. Un arrêt de l'ensemble des progrès techniques nécessiterait une catastrophe mondiale. Et cela signifierait notamment des centaines de millions ou des milliards de décès et la misère des survivants. Et si l'espèce humaine s'en remettait et progressait à nouveau, cela ne ferait que repousser les développements de quelques décennies ou de quelques siècles.

Il est donc fondamental d'orienter autant que possible les évolutions technologiques, mais aussi sociales dans des directions qui limitent les possibilités de destruction. Ceci est extrêmement malaisé étant donné l'ampleur et l'incertitude des changements qui s'annoncent et parce que la plupart des progressions scientifiques importantes sont susceptibles d'utilisations tant pacifiques que bellicistes.

Il n'empêche que:

° Ce qui favorise la résilience des êtres humains et de la conscience limite les risques de destruction et d'autodestruction. Il en va notamment ainsi de ce qui favorise la vie sans vieillesse et en bonne santé. Le respect des êtres doués de conscience sera plus aisé si l'être humain cesse de mourir de vieillesse ou de maladie. En effet, à ce moment, un meurtre deviendrait un acte bien plus monstrueux qu'aujourd'hui. Tuer aujourd'hui n'est que précéder un sort inévitable. Tuer demain, ce pourrait être un crime sans équivalent imaginable. Pour introduire un élément de comparaison: autrefois, tuer un bébé était moins réprouvé qu'aujourd'hui. En effet, comme les enfants mourraient très souvent en bas âge, l'investissement affectif était plus faible. Donc plus la vie est longue, plus, toutes choses étant égales par ailleurs, l'investissement affectif peut être grand. Et c'est tant mieux à tous les niveaux.

° Ce qui favorise le refus absolu de tuer (ou de laisser mourir) un être conscient limite les risques de destruction et d'autodestruction. Cela peut être répandu plus encore qu'aujourd'hui culturellement, psychologiquement, socialement, sociologiquement et par l'éducation tout au long de la vie. Lorsque c'est possible, cela devrait aussi être développé technologiquement. Ce seraient par exemple des variantes élaborées des trois lois "inventées" par l'auteur de science-fiction Asimov obligeant une machine consciente à obéir aux êtres humains sans en menacer d'autres. Malheureusement, dans ce domaine, le risque militaire n'est déjà plus de la science-fiction, les avions sans pilotes (drones) au Pakistan tuant par exemple déjà plus de civils que de combattants.

En conclusion, être progressiste devrait signifier notamment favoriser la résilience des êtres humains et, à terme probablement (même si cela apparait comme de la science fiction aujourd'hui) celle de tout être conscient. Cela passe aussi entre autres par le refus absolu de tuer et la recherche de droits plus nombreux et plus égaux pour chacun non pas en s'opposant, mais bien en accompagnant les progrès technologiques.

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Pour en savoir un peu plus: http://technoprog-fr.blogspot.com et http://transhumanistes.com

Sources des îmages: Site http://technoprog-fr.blogspot.com et Chaplin dans "Les temps modernes"