vendredi 31 octobre 2008

Vive la crise boursière, financière mais redistributrice

A la fin du mois d'octobre 2008, la valeur du patrimoine financier mondial côté en bourse a, très approximativement, diminué d'une petite moitié par rapport aux résultats les plus élevés atteints il y a moins d'un an. Le journal Le Monde estimait la perte de valeur mondiale au 25 octobre à environ 25.000 milliards de dollars ce qui ferait, toujours très approximativement, la moitié du produit intérieur brut mondial annuel.

A ce jour cependant, les usines n'ont pas brûlé, les bureaux des banques n'ont pas été détruits et le patrimoine immobilier aux Etats-Unis ou ailleurs n'a pas disparu. Ce qui a changé, ce n'est pas la valeur intrinsèque du patrimoine mondial mais la valeur d'échange de ce patrimoine par rapport à d'autres biens ou services. Autrement dit, aujourd'hui, avec 100 actions d'une firme moyenne, vous ne pouvez plus acheter que la moitié de ce que vous pouviez acheter lorsque la Bourse était au plus haut. Et par contre, avec un salaire de 2.000 €, vous pouvez maintenant acheter deux fois plus d'actions.

Pour le dire d'une manière encore plus imagée, c'est un peu, comme si tout était resté pareil, que les montants des billets provenant du travail ou des autres sources de revenus marchands "ordinaires" étaient toujours les mêmes, mais que les montants des billets des revenus provenant du patrimoine financiers devaient maintenant être divisés par deux. C'est aussi, comme si un billet d'un salaire permettait maintenant d'acheter non plus une mais deux actions.

Ceci correspond donc -et c'est une bonne nouvelle- à un enrichissement des personnes ayant principalement des revenus du travail et des revenus sociaux et à un appauvrissement des personnes ayant principalement des revenus financiers.

Etant donné que vivre (principalement) de son argent est tabou et que perdre beaucoup d'argent en bourse est non seulement tabou mais honteux, douloureux et ridicule, vous entendrez peu de gens aisés vous parler de leurs revenus perdus.

Il n'empêche, la répartition des patrimoines et des revenus a beaucoup changé et c'est une bonne nouvelle.

C'est une bonne nouvelle parce que:

- C'est redistributif vers les moins riches.
- C'est une correction (partielle) de l'évolution de ces 20 dernières années durant lesquelles les revenus du patrimoins augmentaient beaucoup plus rapidement que les revenus du travail. Les citoyens seront moins incités à investir leur temps, leur argent et leur énergie dans des mécanismes complexes et à court terme.
- La valeur boursière des sociétés qui s'était éloignée de la valeur réelle s'en rapproche à nouveau.

C'est aussi une bonne nouvelle parce que les citoyens perçoivent plus l'intérêt d'établissements financiers et boursiers contrôlés par les Etats, les dangers d'une économie sans contrôle et l'intérêt qu'il y aurait à disposer d'une institution financière internationale disposant d'un réel pouvoir de contrôle.

Il reste maintenant à gérer les effets induits, sachant cependant que les évolutions dans ce domaine comptent probablement encore plus "d'effets papillon", d'aspects irrationnels et de mécanismes non maîtrisés que ce qu'en disent les spécialistes. Le risque des effets boule de neige abondamment décrits dans la presse (faillites en cascade, diminutions de la consommation, instabilités,...) est bien présent. Mais il ne serait inéluctable. que si l''économie était une science exacte et comprises par les acteurs financiers.

Il n'en reste pas moins que si des efforts importants sont faits pour que la machine économique continue à tourner en (re)lançant la consommation des ménages les plus démunis et en se centrant dans les domaines les plus durables (économies d'énergie, transports en commun,...), ce sera un effet positif supplémentaire de la crise.


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Pour en savoir plus sur cet aspect de la crise, voir notamment:

http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/25/25-000-milliards-de-dollards-evanouis_1110953_1101386.html


http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/10/18/les-imbeciles-sont-tot-ou-tard-separes-de-leur-argent-par-john-kenneth-galbraith_1108472_3232.html

A noter qu'il y a une toute autre grille de lecture. C'est de dire que la crise financière a été voulue ou au moins organisée par quelques-uns. C'est une sorte de thèse de grand complôt. Cette thèse est plaisante notamment parce que l'être humain veut voir une logique partout. Ainsi, lorsqu'une bulle financière éclate, nous souhaitons a posteriori rendre le moment de l'éclatement prévisible. Si le moment et la taille de l'éclatement avaient été prévisibles, alors, la majorité des citoyens aisés auraient pu s'en prémunir. Mais ce n'est pas le cas et rien que les mots "bulle éclatée" sont trompeurs car ils induisent l'idée d'un phénomène mécanique et prévisible. En fait, la valeur boursière des biens est surestimée depuis bien des années mais personne ne savait précisément à quel moment cela allait "exploser", pas plus les riches que les pauvres. Et personne ne savait -ni personne ne sait- jusqu'où la valeur se "dégonflera". Pour comprendre l'aspect irrationnel de cette crise, un retour quelques siècles en arrière et une petite lecture de la page http://fr.wikipedia.org/wiki/Tulipomanie peut être utile.

Source de l'image http://www.flickr.com/photos/petrick/2291498814/