lundi 30 décembre 2013

La mort de la mort. Lettre de décembre 2013. Numéro 57.

Senectus ipsa est morbus. La vieillesse elle-même est une maladie. Publius Terentius Afer, auteur latin dans une comédie intitulée "Phormion". Deuxième siècle avant Jésus-Christ. 


Thème du mois: Longévité et expérimentation animale

L'immense majorité des espèces animales subissent la sénescence. Ceci signifie que, même placés dans un environnement parfaitement adapté, les dommages physiologiques qui se produisent du simple fait de l'écoulement du temps s'accumulent et finissent par provoquer le décès, même en l'absence de prédateur, de parasites ou de maladies infectieuses.

Pour la plupart des espèces animales y inclus l'homme, non seulement l'écoulement du temps provoque le décès, mais l'évolution des dégradations est exponentielle plutôt que linéaire.  Donc, le pourcentage de mortalité durant une période de temps déterminée croit avec l'âge.

Pour l'être humain, il est généralement admis que la mortalité suite au vieillissement double à partir de l'âge adulte environ tous les huit ans (modèle dit de Gompertz). Pour les autres espèces, le rythme de croissance de la mortalité diffère. Les durées de vie en captivité, moyennes et extrêmes sont en effet très différentes d'une espèce animale à l'autre. En général, plus une espèce est petite, plus elle a des prédateurs dans le cadre naturel, plus sa vie en captivité (donc même en l’absence de prédateurs) sera courte. Par ailleurs, à l'intérieur d'une même espèce, les durées de vie moyennes et maximales des individus varient selon les groupes. Par exemple, les races de chiens et de souris de petite taille vivent généralement plus longtemps.

Le vieillissement étant un processus lent, l'expérimentation est difficile. Plus la durée de vie d'un animal est longue, plus l'expérimentation est complexe et coûteuse. Par contre, étant donné que nous, êtres humains avons la chance de pouvoir vivre près d'un siècle, plus la durée de vie des animaux d'expérimentation est longue, plus la comparaison avec la situation humaine sera pertinente. Pour ces raisons, les expérimentateurs et les observateurs se sont intéressés tant à des animaux à durée de vie courte qu'à des animaux à durée de vie longue.

Il faut savoir que certains chercheurs estiment que la croissance de la mortalité avec l'âge (l'aspect exponentiel) n'est pas une règle absolue. Certaines espèces de poissons, notamment les sébastes, certaines espèces de reptiles, notamment des tortues et même certaines espèces d'oiseaux pourraient avoir un taux de mortalité qui ne croît plus au-delà d'un certain âge. Il en va de même pour d'assez nombreux invertébrés (homards, oursins, anémones de mer, quahogs,...). Certains parlent même de "sénescence négative", d'une mortalité annuelle décroissant pour les individus âgés. En ce qui concerne les vertébrés, actuellement, il n'y a pas d'expérimentation animale pour vérifier ces hypothèses. Puisque ces animaux vivent très longtemps, si des tests peuvent être réalisés pour des animaux en captivité, les résultats se feront probablement attendre pendant des décennies.

Par ailleurs, l'expérimentation animale pose des questions éthiques. Les tests sur des animaux de laboratoire, parmi lesquels les rats et les souris, font l'objet d'intenses et passionnés débats publics. Il est à remarquer que l'élimination de leurs lointains cousins qui se trouvent dans les caves, greniers et égouts souvent à quelques mètres des laboratoires ne fait l'objet de presque aucune interrogation alors même que la mise à mort se fait généralement par l'usage d'anticoagulants (mort aux rats) provoquant un décès lent et douloureux. Ceci étant écrit, en ce qui concerne les expérimentations relatives à la longévité, l'objectif étant de permettre une vie plus longue en bonne santé, le strict respect des règles légales et des principes de respect des animaux élevés est une garantie éthique, mais aussi une garantie d'efficacité. Il faut donc y être extrêmement attentif.

Parmi les mammifères, les animaux les plus testés pour la longévité, comme d'ailleurs pour toutes les expérimentations dans le domaine de la santé, sont les rats et les souris. Ceux-ci ont une espérance de vie de moins de trois années. Les autres animaux souvent sujets d'expérimentation, notamment les cobayes et les lapins ne sont presque jamais sujets d'expériences relatives à la longévité. Il en va de même pour les porcs. Ce qui est regrettable. En effet, les cochons présentent une très grande ressemblance physiologique avec les êtres humains, mais avec une durée de vie maximale nettement plus courte (environ 25 ans maximum).

Pour ce qui concerne les primates, tant pour des raisons éthiques qu'économiques et techniques, les expérimentations sont actuellement rares. Ce sont principalement des singes rhésus qui ont été sujets d'expérimentation pour ce qui concerne l'impact de l'alimentation sur la longévité.

Un autre mammifère qui est parfois étudié est le rat-taupe nu car ce rongeur bénéficie d'une longévité exceptionnellement grande.

Les tests ne s'arrêtent pas aux mammifères. Ils concernent également des animaux de plus petite taille, principalement deux espèces célèbres dans les laboratoires: les drosophiles et le ver nématode Caenorhabditis elegans. Ces espèces ont une espérance de vie courte et elles ont bien sûr beaucoup moins en commun avec l'être humain qu'une souris, même si plus de 50 % du patrimoine génétique de la drosophile est commun avec celui de l'être humain.

Quels sont les tests qui sont effectués?

Deux catégories d'expérimentations peuvent être distinguées: 

L'observation dans des circonstances "naturelles" modifiées

L'objectif de ces tests est de comprendre les mécanismes du vieillissement dans des situations qui ne supposent pas une modification des animaux eux-mêmes. Il s'agira de savoir quels sont les facteurs qui influencent l'animal de manière positive ou négative. Parmi les nombreux facteurs d'influence qui ont déjà été testés figurent:

- l'apport calorique,
- la luminosité,
- la température,
- le sommeil,
- le taux d'activité,
- le niveau de bien-être,
- l'activité sexuelle,
- l'apport en oxygène.

Les tests de nouvelles substances et les thérapies géniques

Il s'agit de trouver des nouvelles substances chimiques ou pharmaceutiques ou des modifications génétiques qui permettent aux animaux une durée de vie plus longue et en bonne santé. Parmi les innombrables tests qui ont déjà été effectués, il y a ceux qui concernent

- des produits fluidifiant le sang,
- des médicaments couramment utilisés chez l'homme,
- des additifs alimentaires,
- des produits toxiques à forte dose, mais qui pourraient avoir un effet positif à faible dose (hormèse),
- des hormones et des vitamines,
- des thérapies géniques supposant une modification de l'animal à la naissance
- des thérapies géniques supposant une modification thérapeutique sur des animaux adultes,
- l'introduction de cellules-souches.

Pour toutes les expérimentations, idéalement, le travail des chercheurs devrait comparer plusieurs groupes d'animaux vivant dans des conditions similaires, avec la garantie d'absence de toute influence possible de l'expérimentateur de manière consciente ou inconsciente (études randomisées en double aveugle). Malheureusement, beaucoup d'études, même parmi celles largement médiatisées, ne respectent pas encore ce principe.

Une des raisons principales de la lenteur des expérimentations est la lenteur du processus de vieillissement. Une méthode relativement simple pour détecter plus rapidement des effets serait de débuter les tests sur des animaux déjà âgées, par exemple sur des souris de 18 mois (âge du début de la "vieillesse" pour cet animal) et non pas sur des jeunes adultes de 6 mois.

Nous ne savons pas si la première personne qui atteindra l'âge de deux cents ans est déjà née et, par définition, nous ne le saurons pas avec certitude avant la fin de ce siècle. En effet, le citoyen du monde le plus âgé aujourd'hui a 116 ans, il ne pourrait atteindre 200 ans qu'en 2098. Par contre, nous avons une chance de connaître la première souris vivant deux fois plus longtemps qu'une souris ordinaire dans moins d'une décennie.


Bonne nouvelle du mois: financement collectif pour prolonger la vie en bonne santé de souris ukrainiennes


Des chercheurs ukrainiens, alliés à des partenaires notamment français, britanniques et belges ont lancé un "crowdfunding" pour effectuer des expérimentations sur des souris âgées (20 mois). L'objectif était de récolter un financement de 15.000 dollars. Il a été largement et rapidement dépassé et ce sont plus de 22.000 dollars qui permettent déjà des tests dans le domaine de longévité. Par-delà ce montant encore de petite taille, nombre d'autres projets sont en développement dans de nombreux lieux de recherche.
  

Pour en savoir plus 

vendredi 13 décembre 2013

La mort de la mort. Lettre de novembre 2013. Numéro 56.

Nous sommes finalement arrivés à un point de l'histoire humaine où nous sommes réellement en train de trouver les outils pour vivre plus longtemps et en meilleure santé. Nous devons donc commencer à penser à ce à quoi l'avenir va ressembler. (...) Les histoires que nous nous racontons, comme élément de notre culture, sont une façon d'élaborer ces scénarios dans nos esprits. (...). Jusqu'à présent, Hollywood ne s'est pas saisi de cela. Mais ils ont réellement besoin de le faire. Sonia Arrison (traduction, auteur du livre How the Coming Age of Longevity Will Change Everything, From Careers and Relationships to Family and Faith).



Thème du mois: Sérendipité et progrès scientifiques dans le domaine de la santé


La sérendipité, dans le domaine scientifique, désigne une découverte faite de manière fortuite, généralement dans le cadre d'une autre recherche. Le terme "sérendipité" s'utilise aussi plus largement, pour tout ce qui est trouvé ou retrouvé par hasard dans les domaines de la vie courante.

Pour ce qui concerne les recherches relatives à la santé, l'exemple le plus connu et le plus importante à ce jour de découverte par sérendipité est celui de la découverte de la pénicilline. Alexander  Fleming était un scientifique brillant, mais parfois distrait qui testait des agents antibactériens. Il devait nettoyer des boîtes de culture envahies de moisissures en les plongeant dans du désinfectant. Certains récipients étaient incomplètement immergés dans le désinfectant et donc les moisissures subsistaient. Le 3 septembre 1928, le chercheur s’aperçut que, sur les parties des boîtes proches des moisissures subsistantes, les bactéries ne se développaient pas. Il constata plus tard, en examinant les moisissures concernées, qu'elles contenaient une substance bactéricide, qu'il appellera pénicilline. Aujourd'hui, cette substance a sauvé des dizaines voire des centaines de millions de vie.

Chaque avancée scientifique est le fruit de nombreux éléments. Par définition, un chercheur effectuant des expérimentations ne sait pas exactement s'il va constater ce qu'il souhaite, sinon il ne serait plus scientifique, mais simple vérificateur. Le scientifique a cependant généralement une idée assez précise du résultat potentiel de ses expérimentations.  Mais dans d'innombrables cas, ce qui est constaté est fort différent de ce qui était attendu. Ce qui est trouvé ou ce qui se passe n'est donc pas directement utile dans le contexte concerné, mais l'est dans d'autres domaines. Ce n'est donc pas seulement le hasard qui "fait bien les choses", il faut aussi une utilisation adéquate d'informations dans un cadre autre que celui prévu au départ.

La sérendipité aujourd'hui reste-t-elle aussi importante qu'hier? La multiplication des recherches et des publications scientifiques semble rendre improbable une découverte majeure en dehors des "sentiers battus". Mais, en fait, dans les domaines de la longévité, les champs de connaissance scientifique insuffisante restent très nombreux. Pour n'en citer que quelques-uns, nous ne savons toujours pas avec certitude:
  • pourquoi les femmes vivent plus longtemps
  • à quel degré le sport et l'exercice favorisent la longévité
  • si nous aurons tous la maladie d'Alzheimer si nous vivons suffisamment longtemps
  • quelles sont les véritables causes des maladies neurodégénératives
  • et tout simplement pourquoi nous vieillissons
Des centaines de facteurs qui semblent avoir une influence positive ou négative sur la longévité sont examinés, testés, expliqués. Chaque chercheur travaillant dans le domaine de la longévité a son avis, ses convictions, ...

Il y a peu de certitudes si ce n'est que les processus de dégradation que nous appelons le vieillissement varient fortement selon les individus. Cela signifie très probablement que la longévité dépend d'une combinaison de nombreux éléments dont beaucoup jouent un rôle important. Il est également fort probable que la combinaison de divers éléments relatifs à la longévité a des effets spécifiques, éloignés d'une simple addition de conséquences.

Les combinaisons des différents facteurs ne peuvent être examinées systématiquement. Mais des milliers de scientifiques qui ne travaillent pas dans des domaines spécifiques à la recherche de longévité, recueillent des données potentiellement utiles: chercheurs travaillant pour la prévention des risques chimiques et industriels, statisticiens déterminant les probabilités de décès, économistes mesurant les taux de morbidité, d'incapacité, ... 

A terme prévisible, la progression des connaissances dans le domaine de la longévité continuera à comprendre une part importante d'imprévu. Si, chez la majorité des chercheurs, la détection de mécanismes "anormaux", "accidentels", "illogiques" relatifs à la longévité reste présente, à l'arrière-plan du travail principal, les potentialités de progressions en faveur d'une vie plus longue en bonne santé s'étendront encore.



Bonne nouvelle du mois: Google engage une spécialiste mondiale de la recherche contre le vieillissement



La société Calico, créée par Google en septembre, vient d'engager quatre scientifiques brillants. Parmi ceux-ci la biogérontologiste américaine Cynthia Kenyon. Madame Kenyon est notamment célèbre pour avoir effectué des tests sur le nématode Caenorhabditis elegans. Elle était parvenue, par une combinaison de mutations génétiques et de restriction calorique à multiplier par six la durée de vie de vie de certains de ces animaux.

Cynthia Kenyon est une défenderesse convaincue des progrès en matière de longévité en bonne santé pour les femmes et les hommes. Elle a donné de nombreuses interviews et conférences à ce sujet et a testé sur elle-même la restriction calorique. Elle devrait disposer sous peu de moyens financiers considérables pour poursuivre les recherches en matière de longévité des nématodes mais aussi et surtout des êtres humains.



Pour en savoir plus 
·         De manière générale, voir notamment:  http://heales.orghttp://sens.org et http://longecity.org
·         A propos de la sérendipité: http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rendipit%C3%A9
·         Source de l'illustration: timbre représentant Alexander Fleming 


dimanche 24 novembre 2013

La mort de la mort. Lettre d'octobre 2013. Numéro 55.




Le vieillissement est un jeu atroce. Vous ne pouvez gagner, mais vous devez participer. Dean Kamen, inventeur du Segway, mais également de nombreux dispositifs médicaux. Citation en anglais: Aging is a terrible game. You can't win and you have to play.



Thème du mois: Journée internationale des personnes âgées


Presque toute l'histoire de l'humanité se déroule durant la période que nous appelons le paléolithique. Elle débute il y a 3 millions d'années, quand l'homme n'est pas encore ce que nous sommes et s'achève il y a environ 12.000 ans lorsque les premières civilisations s'annoncent. Durant toute cette période, il se peut que jamais une femme ou un homme, ne soit devenue une personne âgée au sens chronologique où nous l'entendons actuellement. En tout cas, très rares sont les squelettes retrouvés établissant un décès survenu après l'âge de 50 ans. Alors que certains perçoivent la lutte contre le vieillissement comme un souhait antinaturel, il est bon de rappeler que c'est en fait la vieillesse qui est antinaturelle. Les rêves et les cauchemars de nos aïeuls, de presque toutes les générations qui se sont succédé avant nous, ne dépassaient pas le demi-siècle.

Le 1er octobre a été déclaré journée internationale des personnes âgées par les Nations-Unies. Cette journée a été fêtée pour la première fois en 1991. Durant les 22 années écoulées depuis, des centaines de millions de personnes âgées ont atteint l'âge de 60 ans. Elles vivent en moyenne mieux et plus longtemps que leurs parents. Malheureusement des centaines de millions d'autres sont décédées.

L'âge à partir duquel un adulte est considéré comme "personne âgée" varie en fonction des époques, des cultures et des situations sociales. Un joueur de football professionnel sera pensionné et donc "âgé" avant 40 ans tandis qu'une femme écrivain pourrait écrire un chef d'œuvre bien après 70 ans. Si l'on retient l'âge, le plus souvent cité: 60 ans, il y a aujourd'hui dans le monde, environ un milliard de personnes âgées, soit un être humain sur 7, en majorité des femmes. Si les évolutions démographiques, économiques et de santé actuelles se poursuivent, ce nombre devrait passer à deux milliards d'ici l'année 2050. Mais d'ici 2050, il n'est pas certain qu'une personne de 60, voire même de 70 ans sera encore considérée comme une personne âgée.

Pour l'édition 2013 de la journée des personnes âgées, le mouvement international pour la longévité (International Longevity Alliance) a organisé des activités dans des dizaines de pays sur tous les continents. Les participants étaient des activistes de la longévité, scientifiques et non scientifiques, mais aussi des citoyens "ordinaires", personnes âgées ou jeunes. 

C'est à Bruxelles qu'a eu lieu l'une des principales activités, une conférence de presse à l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique introduite par la journaliste Martine Verhaeghe de Naeyer avec quatre orateurs:

  • Madame Caroline Petit, Directrice adjointe aux Nations Unies, présentant le cadre de la journée internationale et les implications en matière de santé; 
  • Laurent Alexandre, médecin, fondateur de Doctissimo, auteur du livre "La mort de la mort. Comment la technomédecine va bouleverser l'humanité";
  • Miroslav Radman, biologiste cellulaire, membre de l'Académie française des sciences, auteur de "Au-delà de nos limites biologiques" ;
  • Didier Coeurnelle (auteur de la présente lettre), coprésident de l'association Heales, auteur de "Et si on arrêtait de vieillir ! Réalité, enjeux et perspectives d'une vie en bonne santé beaucoup plus longue".

Le thème commun de cette journée internationale est que les progrès médicaux permettant une vie plus longue et en meilleure santé de centaines de millions de personnes sont positifs et doivent être encouragés. Cet encouragement concerne les aspects financiers, bien sûr, mais également les composantes politiques, sociales, économiques  artistiques, bref, l'ensemble de nos sociétés.


La bonne nouvelle du mois: Récolte de fonds collective réussie pour un court-métrage


Un réalisateur américain, Tim Maupin, souhaite produire un court-métrage intitulé "The last generation to die" (la dernière génération à mourir). Il s'agirait d'un film de science-fiction se déroulant dans un avenir relativement proche, dans lequel les thérapies pour une vie beaucoup plus longue sont accessibles. Le héros du film est une scientifique dont le père hésite à utiliser pour lui-même les thérapies disponibles. Monsieur Maupin a lancé un "crowdfunding" qui avait pour objectif de départ de récolter 9.000 dollars.  Plus de 35.000 dollars ont déjà été promis. 


Pour en savoir plus
·         De manière générale, voir notamment:
http://heales.orghttp://sens.org et http://longecity.org
·         A propos des événements organisés le 1er octobre 2013 (en anglais): http://longevityalliance.org/celebrations-of-the-international-longevity-day-around-the-world/
·         Pour visionner la conférence de presse du 1er octobre 2013:  introduction, partie 2, partie 3, partie 4, débat. Les 3 livres présentés peuvent être acquis en ligne.
·         Pour visionner une présentation du projet de court-métrage "The last generation to die": http://www.kickstarter.com/projects/1956082973/the-last-generation-to-die-a-short-film

·         Source de l'illustration: le logo des Nations-Unies

samedi 26 octobre 2013

La mort de la mort. Numéro 54. Septembre 2013.







Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. François de La Rochefoucauld (1613 - 1680).

  



Thème du mois: Le 6ème colloque international de lutte contre le vieillissement à Cambridge. "Reimagine Aging".

Du 3 au 7 septembre 2013, des spécialistes de la longévité venus de partout dans le monde se sont rencontrés dans le cadre impressionnant et prestigieux du Queens' college de Cambridge. Dans cette institution vécut notamment Erasme, il y a un demi-millénaire.

C'est la 6ème édition de cette conférence intitulée SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence). Cet évènement se différencie d'autres rencontres internationales médicales en ce que l'objectif est explicitement de lutter contre le vieillissement.

Comme lors des rencontres précédentes, les découvertes et les hypothèses les plus récentes sont abordées, décortiquées, critiquées, ...

Plus encore que lors des événements précédents, la perception d'une volonté collective de progresser est partagée par les scientifiques et par les "activistes" de la lutte contre le vieillissement. Ils sont de plus en plus nombreux à percevoir que les maladies liées au vieillissement perdent du terrain.

Les conférenciers et le public se penchaient d'abord sur les questions médicales. Ensuite, d'autres exposés et les discussions durant les pauses abordaient aussi les questions politiques et sociales. Parmi les interventions les plus écoutées, il y eut celle du psychologue américain Thomas Pyszczynski s'interrogeant sur le paradoxe de nos sociétés fondées à la fois sur la crainte de la mort, mais aussi sur l'opposition de beaucoup au prolongement de la durée de la vie humaine. 

En ce qui concerne les recherches proprement dites, parmi les nombreuses pistes dans le domaine de la lutte pour une vie plus longue, voici quelques-unes qui furent abordées (parmi celles les plus compréhensibles à un non-spécialiste) :

  • L'étude de la restriction calorique chez les primates et chez d'autres animaux. Manger beaucoup moins que ce qui est normal, mais de manière équilibrée, semble prolonger la durée de vie. Les résultats sont cependant contrastés notamment en ce qui concerne les expériences menées chez des singes rhésus. 
  • Le séquençage de la baleine boréale, le mammifère ayant la durée de vie la plus longue (plus de 150 ans). Le patrimoine génétique de cet animal recèle probablement des pistes relatives à la longévité. Il est fascinant de constater que des espèces animales, parfois fort proches, ont des durées de vie maximales très différentes. Il est donc envisageable qu'une thérapie modifiant peu le patrimoine génétique influe néanmoins fort favorablement sur la longévité. 
  • Certains vertébrés ont la capacité de régénérer d'importantes parties de leur corps. Il en va ainsi des axolotls, des salamandres étranges qui ne deviennent jamais adultes (néoténie). La capacité de régénération semble ne pas diminuer avec l'âge chez des batraciens. Ceci ouvre des perspectives pour la régénération humaine.
Le vieillissement est un phénomène d'une extrême complexité pour lequel, presque à chaque avancée, le scientifique se posera notamment la question: "Ai-je trouvé ici une cause ou un effet ?" De plus, dans ce domaine comme dans d'autres, beaucoup de progressions se feront "par accident" soit, en langage scientifique, "par sérendipité", la progression des connaissances se produisant ailleurs que là où elle était envisagée ou espérée. C'est pourquoi il est important que ce type de conférence se tienne, donnant l'occasion de confronter les idées, les réussites et les échecs.



La bonne nouvelle du mois: Google contre la mort. Nuit des chercheurs pour une vie plus longue grâce à la science.



Le célèbre journal Time du 18 septembre titre "Can Google solve Death ?" L'interrogation de Google et donc du Time porte bien sur la lutte contre le vieillissement. Larry Page, fondateur et dirigeant de Google a annoncé la création de la société Calico (pour California Life Company). Les domaines précis dans lesquels la société se spécialisera ne sont pas encore annoncés mais l'objectif global est sans ambiguïté: s'attaquer au vieillissement biologique et à ses causes. Vu les moyens de Google et sa capacité de s'aventurer dans des cheminements inhabituels, cette décision permettra le financement de recherches nouvelles prometteuses. L'initiative peut aussi servir d'électrochoc, notamment vis-à-vis des organismes scientifiques publics et privés qui hésitent à s'attaquer résolument aux maladies liées au vieillissement.

Dans une mesure beaucoup plus modeste, le monde francophone est également conscient de l'utilité des progrès de la science pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue. La "nuit des chercheurs" est un événement annuel qui porte sur la vulgarisation des recherches scientifiques pour le grand public. En Belgique, le thème de l'année 2013 était "Vivre mieux et plus longtemps grâce à la science". L'association Heales était présente le 27 septembre à cet événement avec un stand à Bruxelles et une conférence à Namur.
  


Pour en savoir plus

lundi 2 septembre 2013

La mort de la mort. Numéro 53. Août 2013.




La vie est une tragédie, car nous vieillissons trop tôt et devenons sages trop tard. Benjamin Franklin (traduction).




Thème du mois: Aux frontières de la longévité

Chaque année, depuis des décennies, nous gagnons en moyenne environ trois mois d'espérance de vie, que ce soit en France, en Belgique, ou en moyenne dans l'ensemble des pays du monde. Ainsi, le citoyen du monde vivant en 2013 a une espérance de vie d'environ 67 ans alors que celui qui vivait en 1993 n'avait une espérance de vie que d'environ 62 ans. Mais la durée de la vie varie considérablement selon le lieu où la personne habite. La présente lettre vise décrit les principales différences géographiques connues. À noter que l'importante question de l'évolution de la durée de vie en bonne santé a été abordée dans le numéro d'avril 2012 de cette lettre d'information.

Différences entre États

Les différences géographiques les plus connues et étudiées avec le plus de précision sont les différences entre États. Des statistiques précises existent depuis au moins 50 ans dans la plupart des pays du monde. Il est cependant à remarquer que  la durée de vie estimée pour un pays donné peut varier selon les sources et les modes de calcul. Certains affirment que les chiffres sur l'espérance de vie sont manipulés. Des erreurs ou même des informations sciemment incorrectes apparaissent parfois. Mais il faut signaler que falsifier ces statistiques est difficile. Durant les années 70 et 80 du siècle passé, dans les pays du "bloc communiste" (ex URSS, ex Tchécoslovaquie, ...), l'espérance de vie s'est mise à chuter. Malgré le fait que ces États n'avaient pas un fonctionnement démocratique, les dirigeants ne sont pas parvenus à falsifier les chiffres. Ainsi, durant plus de dix ans, l'Union soviétique a simplement cessé de publier les statistiques relatives à la mortalité.

Les informations utilisées dans ce texte sont celles qui proviennent du site Gapminder.org pour l'année 2012. Le site Gapminder, créé par le médecin, statisticien et conférencier suédois Hans Rosling est extrêmement détaillé et documenté.

Pour la longévité entre Etats, cinq grands ensembles de pays seront distingués ici:

1. Les pays à l'espérance de vie élevée et en croissance nette. Ces pays sont presque toujours des pays au niveau de vie élevé ou moyen. La durée de vie moyenne y est de 76 à 83 ans. Ceci concerne notamment:
  • tous les pays d'Europe occidentale et beaucoup de pays d'Europe orientale
  • l'Amérique du Nord  et une partie des pays de l''Amérique latine dont l'Argentine
  •  les pays les plus riches d'Asie (Japon, Corée du Sud, Singapour,...) et de la péninsule arabique
Le pays de grande taille où l'espérance de vie est la plus longue est le Japon. Elle est de 83 ans.

2. Les pays à l'espérance de vie moyenne et en croissance rapide. Ce sont les États où l'espérance de vie est comprise entre 65 et 75 ans. Y sont notamment compris:
  •       la majorité des pays d'Asie dont le Bangladesh, l'Inde, le Pakistan, l'Indonésie et la Chine
  •       des pays d'Amérique latine, notamment le Brésil
  •       la plupart des pays du Maghreb
3. Les pays à l'espérance de vie moyenne, mais sans croissance régulière. Il s'agit des États où l'espérance de vie est comprise entre 65 et 75 ans, mais où la durée moyenne de vie a fortement décru durant certaines périodes, particulièrement pour les hommes. Le principal pays concerné est la Russie. C'est aussi le cas d'autres États de l'Europe orientale, principalement ceux qui formaient l'ex Union soviétique. Les causes de la stagnation généralement cités sont; la dégradation de la situation économique, la croissance des pollutions et, particulièrement pour les hommes, l'alcoolisme.

4. Les pays où l'espérance de vie est encore de moins de 65 ans et où l'espérance de vie croît régulièrement ces dernières décennies. Ce sont principalement les pays d'Afrique Noire qui n'ont pas été victimes de l'épidémie du Sida et quelques pays très pauvres d'Asie.

5. Les pays où l'espérance de vie est également de moins de 65 ans et où l'espérance de vie a fortement décru à la fin du vingtième siècle. Il s'agit de ceux des pays d'Afrique Noire où le Sida a fait d'énormes ravages, notamment l'Afrique du Sud et la République démocratique du Congo. Dans ces pays, où l'espérance de vie est la plus basse au monde, les premières années du vingt-et-unième siècle ont vu à nouveau quelques gains, mais la situation d'aujourd'hui est cependant pire que la situation d'il y a 20 ou 30 ans.
De manière générale, il y a une étroite corrélation entre la durée de vie et le niveau économique. Les pays où la durée de vie moyenne est de moins de 65 ans sont principalement les pays d'Afrique noire, partie du monde la plus pauvre. Pour les pays de grande taille, c'est la République démocratique du Congo où la vie est la plus courte, 50 ans en moyenne, 30 ans de moins qu'en France ou en Belgique!

Si la puissance économique est l'élément le plus important, d'autres éléments entrent cependant en compte. Ainsi, dans la grande puissance la plus riche du monde, les États-Unis, la durée de vie  (79 ans) est moindre de quelques années par rapport aux pays les plus avancés, probablement suite principalement à la suralimentation. Par contre, là où le système de santé publique est bien développé et où les causes de morts violentes sont rares (crimes, accidents de la route,...), la durée de vie est importante. Ainsi, malgré un régime autoritaire et une situation économique difficile, la durée de vie moyenne à Cuba est estimée à 79 ans.

Il est important de noter que, contrairement à ce qui est souvent affirmé, l'espérance de vie ne décroit actuellement dans aucun pays, si l'on prend en compte les statistiques sur la dernière décennie Aux États-Unis, par exemple, souvent erronément cités à ce sujet, malgré l'épidémie d'obésité, l'espérance de vie a cru d'environ deux ans entre 2002 et 2012. Les seules évolutions négatives récentes sont des évolutions, portant sur des périodes courtes. Ce sont probablement des accidents statistiques ou des évolutions temporaires.

Différences régionales à l'intérieur d'un pays

A l'intérieur d'un pays donné, les différences d'espérance de vie sont également importantes. Tout comme entre les pays, la première source de différence selon les régions est le niveau de vie. Voici quelques exemples:
  •   Aux États-Unis, la durée moyenne de vie est nettement supérieure dans les États du Nord que dans les États du Sud. Ainsi dans l'État de New-York, l'espérance de vie est de 80,5 ans alors qu'au Mississippi, elle est seulement de 75 ans.
  •   En France, c'est dans le Sud du pays et en région parisienne que la durée de vie est la plus longue et dans le Nord que la vie est la plus courte. La différence est particulièrement importante pour les hommes. La durée de vie plus longue dans le Sud est parfois également expliquée par une alimentation plus favorable à la longévité (régime dit méditerranéen).
  •  Même à l'échelle d'une ville, des différences s'expriment entre quartiers. Dans la région bruxelloise, la durée moyenne de vie des hommes dans la municipalité de Molenbeek (commune pauvre) est d'environ quatre années inférieure à celle des hommes de Woluwe-Saint-Pierre (commune riche de la même agglomération située à moins de dix kilomètres).

La comparaison entre régions de pays très différents peut aboutir à des résultats surprenants. Ainsi, la durée de vie moyenne à Beijing, capitale de la Chine est aujourd'hui supérieure à la durée de vie moyenne à Washington, capitale des Etats-Unis. Il est vrai que Beijing est la capitale riche d'un pays encore pauvre alors que dans la ville de Washington, la durée de vie moyenne est nettement plus courte que dans le reste des Etats-Unis.

Autres différences géographiques

Les écarts peuvent également être examinés en dehors de limites purement administratives. Parmi les différences fréquemment notées:
 
  •         Les "zones bleues". Ce sont des lieux où les habitants sont supposés vivre beaucoup plus longtemps. Les régions où des femmes et des hommes sont supposés vivre très longtemps se trouvent souvent dans des contrées reculées. Bien souvent, ce sont des légendes voire des informations sciemment erronées. Dans d'autres cas, il pourrait s'agir d'une influence de l'alimentation, voire de groupes de population ayant en moyenne une durée de vie plus élevée, pour des raisons liées à l'hérédité. C'est probablement notamment le cas d'habitants de certains villages de Sardaigne et de l'île japonaise d'Okinawa.
  •        La périphérie des villes (la banlieue) permettrait une vie plus longue que la ville ou que la campagne. Ici aussi, l'aspect du niveau de revenu est cependant important. Il se peut aussi que la vie plus courte dans les villes s'explique par la pollution atmosphérique plus importante.

La bonne nouvelle du mois: Aubrey de Grey, chercheur et mécène


Aubrey de Grey, chercheur travaillant dans le domaine de la longévité, renommé, mais controversé, est un homme cohérent. Il a décidé de consacrer la plus grande partie de son patrimoine (environ 10 millions d'euros hérités au décès de sa mère) pour soutenir les activités de l'organisation qu'il a fondée: SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence). Cette somme permettra de financer des recherches durant cinq années. Cette attitude cohérente pourrait aussi encourager d'autres personnes, organisations, groupes à investir dans des domaines susceptibles de sauver la vie de millions de femmes et d'hommes partout dans le monde. 
  

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