lundi 20 février 2012

25.000 logements publics bruxellois en 3.600 jours (lettre bimestrielle, numéro 15). Janvier - février 2012.



Les accords gouvernementaux régionaux bruxellois du 12 juillet 2009 prévoient une augmentation radicale du nombre de logements publics par "une norme à atteindre dans les 10 années à venir de 15% de logements de qualité à gestion publique et à finalité sociale".

Cette lettre bimestrielle a pour objectif d'être un aiguillon pour favoriser une réalisation optimale des objectifs. Actuellement, environ 38.000 ménages sont sur les listes d'attente du logement social bruxellois.

Alors que les mois précédents avaient été fastes (516 nouveaux logements), au cours de 8 dernières semaines seuls 25 nouveaux logements ont été inaugurés à Haren.


Sur le plan des nouvelles constructions sociales, la lourdeur administrative et juridique des projets publics semble rendre la réalisation d'objectifs d'envergure quasiment impossible à moins:
  • de réduire radicalement les délais de décision,
  • d'acquérir des logements du secteur privé,
  • et/ou d'obliger toute nouvelle construction à comprendre une part de logements sociaux (par exemple 10 %).

Dans ce dernier domaine, des projets existent. Mais les chances qu'ils soient réalisés au cours de cette législature s'amenuisent chaque jour.

Par ailleurs, un objectif important est la rénovation de constructions abandonnées et la transformation de bureaux inutilisés en logement.

Pour ce qui concerne la conversion de bureaux en logements, un processus de primes suite à un appel à projets pour la conversion en logements de bureaux obsolètes ou inoccupés est en cours. Cependant, investir de l'argent public de cette manière aboutit en fait notamment à récompenser les erreurs passées de promoteurs. Les sommes investies dans ces primes servent des projets relativement lointains voire hypothétiques alors que des sanctions financières importantes pour ceux qui laissent des bureaux vides seraient imaginables. Ces sanctions seraient de nature à donner plus de résultats et ne coûteraient rien et bénéficieraient même au secteur public bruxellois. C'est un enjeu non négligeable dans une cité qui compte au moins 1,6 million de mètres carrés de bureaux inoccupés.

Le calcul du nombre réel de logements à créer varie énormément selon les estimations (voir lettre de novembre 2010). La présente lettre se base sur un nombre de 25.000 logements. Dans ce nombre, il a été tenu compte des logements mis à disposition par les agences immobilières sociales (A.I.S.) même s'il ne s'agit pas au sens strict de logements à gestion publique. Par contre, il n'a pas été tenu compte des prêts de logement, car ils concernent des immeubles à gestion totalement privée.

Ci-dessous, seuls les logements effectivement mis à disposition sont comptabilisés: les chantiers, projets en cours de marché public,... ne sont pas repris.

État de la réalisation des 25.000 logements en 3.600 jours (connu au 15 février 2012) (ce mode de calcul ne prend pas en compte les prêts sociaux):

Nombre total de logements publics nouveaux réellement créés: aux alentours de 2.100. Composé comme suit:
  • Nombre de logements publics nouveaux construits depuis le début de la législature dans le cadre du plan dit des 5000 logements: 927
  • Nombre de logements publics créés à partir de bureaux transformés: 0
  • Nombre de logements publics créés à partir de logements et autres immeubles abandonnés: 0
  • Nombre de logements publics créés par d'autres moyens (acquisitions, locations, contrats de quartier...): non connu avec précision, peut-être aux alentours de 550
  • Nombre de logements privés mis à disposition par les A.I.S.: non connu avec précision, probablement aux alentours de 750
  • (-) Suppressions de logements publics (acquisition par les locataires, destructions, transformation-rénovation de petits logements en logements plus grands, mais moins nombreux...): non connu avec précision, probablement au minimum 150
  • Temps écoulé : 30 mois depuis les accords politiques (31 mois depuis le début de la législature)(soit un quart de la durée totale des 10 années prévues pour parvenir à l'objectif)
  • Temps restant pour achever la mise à disposition des logements : 89 mois
  • Nombre total de logements publics qui, logiquement, auraient dû être créés durant le temps écoulé (sur la base de la mise à disposition de 200 logements par mois): 6.200
  • Somme minimale économisée par les autorités régionales ou locales bruxelloises aux dépens des personnes qui occuperaient les logements sur base d'un coût de 110.000 € par logement: environ 450 millions d'euros

Informations complémentaires:

- Le texte de l'accord de gouvernement 2009-2014 du 12 juillet 2009 est accessible à la page 
http://www.parlbruparl.irisnet.be/images/imgparl/accords2009/accordsfr.pdf.

- Un site officiel http://www.planlogement.be avait été réalisé par le Secrétariat d’État bruxellois au Logement et à l'Urbanisme durant la législature précédente. Le contenu de ce site a été supprimé et le nom de domaine est aujourd'hui en vente.

Si vous communiquez des informations pertinentes, elles seront diffusées dans la prochaine lettre.

Didier Coeurnelle, conseiller communal à Molenbeek-Saint-Jean

samedi 4 février 2012

La mort de la mort. Numéro 34. Janvier 2012.

Repousser le vieillissement est éthiquement acceptable car c’est le but de la médecine. Mais allonger la durée de la vie, et donc fabriquer des hommes augmentés, entraînerait une réforme complète de la société des hommes. Reste à savoir dans quel but. Alain Grimfeld, président du Comité consultatif national d'éthique (2011, France)

Thème du mois: les impôts et la mort, les impôts contre la mort?
L'année de la révolution française, Benjamin Franklin, génie polyvalent qui allait mourir l'année suivante, écrivait Dans ce monde, il n'y a que deux choses certaines dans la vie: les impôts et la mort (taxes and death).

Six ans plus tard, en 1795, dans la toute jeune République française, le marquis de Condorcet s'interrogeait:
Serait-il absurde, maintenant, de supposer que ce perfectionnement de l'espèce humaine doit être regardé comme susceptible d'un progrès indéfini, qu'il doit arriver un temps où la mort ne serait plus que l'effet, ou d'accidents extraordinaires, ou de la destruction de plus en plus lente des forces vitales, et qu'enfin la durée de l'intervalle moyen entre la naissance et cette destruction n'a, elle-même, aucun terme assignable?

Plus de deux siècles plus tard, les impôts et la mort ont bien résisté. Les impôts ont même progressé, au grand regret de nombreux citoyens. Ces hommes et ces femmes qui oublient les avantages liés aux financements collectifs d'innombrables biens et services qui protègent et servent les citoyens depuis les prestations de la sécurité sociale au réseau internet qui leur permet de lire ces lignes.


A première vue, la mort a beaucoup reculé. L'espérance
de vie a fait des bonds de géant faisant plus que doubler. La mortalité infantile a pratiquement disparu en Europe. Même dans les pays les plus pauvres d'Afrique, seule une minorité d'enfants n'atteint plus l'âge adulte. Au cours d'une semaine, nous gagnons environ un week-end d'espérance de vie. Au Bangladesh, un des pays les plus pauvres du monde, l'espérance de vie a cru de plus de 10 ans les 25 dernières années.

Mais la limite extrême de la durée de la vie humaine, elle, n'a pas tellement changé. Le premier être humain qui a atteint l'âge d'un siècle est probablement né il y a près de trois millénaires en Chine, des philosophes grecs ont vécu presque centenaires. Trente siècles plus tard, la personne la plus âgée au monde n'a que 115 ans et l'expression "resplendissante de santé" ne la concerne pas.

La mort et les impôts subsistent donc.

Une part très importante des impôts sert d'ailleurs à retarder la mort. Il en va ainsi, bien sûr, des dépenses en soins de santé ou pour les maisons de repos. Mais il en va également de nombreux investissements dans des domaines variés comme la sécurité routière, les services d'urgence, les forces de police, la lutte contre les pollutions,... En réalité, dans de très nombreux domaines de la vie sociale et politique, un des objectifs fondamentaux, explicites ou implicites, est de permettre une vie en bonne santé plus longue.

Il y a notamment un domaine où des impôts sont payés pour retarder la mort, mais en quantité relativement limitée, c'est la recherche scientifique dans le domaine de la santé. Ce type de dépense se différencie de nombreux autres investissements socialement utiles en ce que la recherche profite potentiellement non pas aux citoyens d'une région ou d'un pays mais à tous les êtres humains. Paradoxalement, un intérêt aussi large que toute la population humaine peut apparaître comme moins porteur que des intérêts catégoriels.

Les dépenses fiscales qui sont explicitement effectuées au bénéfice de l'ensemble de l'humanité sont extrêmement rares à ce jour. On peut citer le financement de l'ONU et d'autres institutions à vocation mondiale, les subsides versés aux organismes qui tentent de réduire les risques liés aux astéroïdes et, de manière plus conséquente, les mesures de lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, les recherches dites fondamentales, dans une certaine mesure, visent l'intérêt de toute la population à progresser dans les connaissances. Mais le but affirmé est assez rarement celui-là. Ces recherches  sont généralement plutôt présentées comme satisfaisant une sorte de curiosité globale de l'espèce humaine, une soif de savoir qui est une des caractéristiques qui font de nos semblables cet être étrange qui cherche constamment à se rassurer, à dépasser et à se dépasser.

Parmi les recherches fondamentales et appliquées relatives à la vie de nos semblables, les investigations relatives au vieillissement concernent le plus de personnes. Et, actuellement, pour trois décès dans le monde, deux décès sont consécutifs aux maladies et affections relatives au vieillissement.

Notre obsolescence à tous est actuellement programmée par la nature. Les recherches de milliers de scientifiques ont permis certaines "déprogrammations" par le biais de la lutte contre les cancers, les maladies dégénératives, les affections cardio-vasculaires,... mais bien du travail reste à accomplir. Sauf à considérer qu'une vie humaine perd de sa valeur au fur et à mesure de l'écoulement du temps jusqu'à devenir négligeable, toutes les investigations permettant de prolonger la vie en bonne santé sont donc potentiellement utiles à des milliards de personnes. 

Des recherches peuvent être accomplies par des firmes pharmaceutiques, mais ces firmes préfèrent les résultats rapides et partiels aux recherches à long terme. Il pourrait même être affirmé, cyniquement, que les solutions les plus globales sont celles le moins susceptibles d'intéresser les grandes compagnies. En effet:
  • Une solution globale réclame des recherches longues;
  • Une percée significative signifierait la disparition de la nécessité de nombreux traitements plus partiels;
  • Des avancées globales seraient d'une telle importance pour des milliards de citoyens du monde que la pression sociale, politique et sociologique empêcherait de privatiser largement les bénéfices des traitements.
Pour toutes ces raisons, ce sont les organismes publics qui sont les plus susceptibles de progresser dans la recherche fondamentale et même dans certaines recherches appliquées de lutte contre le vieillissement. Pour financer ces recherches, les mécanismes de contribution collective sont une solution. Et puisque ce financement permet de vivre plus longtemps en bonne santé, il diminue à terme les soins de santé de type gériatrie, il permet donc in fine de payer moins d'impôts.

Nouvelle du mois

Un des aspects les plus angoissants du vieillissement est le déclin des capacités cognitives avec l'âge. La diminution radicale de la mémoire et d'autres potentialités intellectuelles pour les victimes de la maladie d'Alzheimer est connue et étudiée. Mais une étude récente semble démontrer que, malheureusement, les capacités diminuent chez des adultes non pas encore âgés mais seulement d'âge mur. Selon une enquête durant 10 années, portant sur la mémoire, le vocabulaire et la compréhension de 7.000 hommes et femmes, fonctionnaires britanniques, dès la tranche d'âge de 45 à 49 ans, les capacités diminuent de près de 4%.

Bien sûr, et heureusement, ces diminutions de capacités sont compensées par l'expérience. Mais cela démontre, pour autant que les résultats ne soient pas biaisés par d'autres éléments, que les recherches en matière de lutte contre le vieillissement sont potentiellement utiles non seulement pour les personnes âgées mais également pour bien des hommes et des femmes qui sont encore bien loin du "troisième âge".




• Pour en savoir plus de manière générale: http://sens.org/,http://imminst.org/http://heales.org/ et http://immortalite.org/

• Pour en savoir plus à propos du déclin des capacités cognitives dès l'âge de 45 ans : http://www.bbc.co.uk/news/health-16425522 (en anglais)
• Pour réagir ou recevoir la lettre d'information: info@heales.org
• Source de l'image: statuette dans un musée symbolisant la mort - billets et pièces islandais