jeudi 8 mars 2012

La mort de la mort. Numéro 35. Février 2012.


"L'humanité se décrit par ses franchissements de frontière, des choses qui paraissaient impensables. On était par exemple dans le récit pour s’expliquer et raconter les choses. Et puis on est passé à l’écrit. Enfin la mémoire ne se perdait plus lorsque quelqu’un mourait (…). Et Gagarine lui a franchi cette frontière de l'espace. Lorsque nous avons contrôlé, lorsque les femmes ont pu contrôler leur fécondité, c'était une frontière. Ce qui était autrefois une condition biologique a cessé d'être une servitude. Demain nous vaincrons la mort. Merci Condorcet qui l’écrivait." Jean-Luc Mélenchon  (candidat du front de gauche aux présidentielles), 12 janvier 2012.


Thème du mois: les nanotechnologies et la lutte contre le vieillissement

Les nanotechnologies médicales sont une branche naissante de la médecine travaillant sur des objets de taille extrêmement réduites. La référence usuelle est le "nanomètre" c'est-à-dire le milliardième de mètre, la taille d'une petite molécule.

Actuellement, il y a encore beaucoup plus de recherches en cours qu'il n'y a d'applications concrètes. Jusqu'à présent, en matière de santé, l'industrie nanotechnologique est d'ailleurs plus connue par l'aspect des risques que par ses perspectives curatives. 

En effet, lorsque la matière est manipulée à l'échelle microscopique, les produits réalisés ont des effets sur le corps humain qui peuvent être fondamentalement différents des produits de taille habituelle. Ils peuvent notamment franchir la "barrière hémato-encéphalique" c'est-à-dire passer la frontière entre le sang et le cerveau normalement infranchissable pour la plupart des substances. Des produits nanotechnologiques sont aussi susceptibles de générer des cancers notamment en s'introduisant dans les poumons. Les risques sont particulièrement importants pour tous les produits qui ne se dégradent pas ou très lentement dans l'environnement extérieur et qui sont, à court ou à moyen terme, susceptibles d'être ingérés ou respirés. Il convient cependant de noter que le risque n'est bien sûr nouveau que dans la mesure où les produits créés possèdent des caractéristiques nouvelles. La nature n'a en effet pas attendu l'être humain pour travailler à l'échelle "nanoscopique".  

Les dangers potentiels assez largement médiatisés ne doivent pas faire oublier les avantages potentiels en matière médicale de certaines de ces substances. En fait, l'examen systématique des conséquences des nouvelles matières sur la santé peut être une activité à double avantage. Elle permet de vérifier l'absence de danger lors des tests sur des animaux et sur des cellules de culture. Elle peut permettre aussi, dans certains cas, de détecter des conséquences positives pour l'organisme.

Quels sont les domaines actuels de progression des nanotechnologies médicales?

La désinfection

Cet aspect est probablement d'un impact limité dans le domaine de la lutte contre le vieillissement. Certains produits sont susceptibles de détruire efficacement les bactéries. C'est le nano-argent qui est la substance la plus utilisée. Cependant, les infections ne sont pas une cause majeure du vieillissement, mais elles sont plutôt, dans certains cas, une conséquence de celui-ci. D'autre part, ces produits ne sont utilisables qu'à l'extérieur du corps, en tout cas dans un avenir proche.

Les médicaments

C'est dans ce domaine que les progrès sont les plus rapides et que l'expérimentation a déjà réellement débuté. Les médicaments spécifiques réalisés présentent l'avantage, par rapport aux médicaments ordinaires, de fonctionner de manière beaucoup plus ciblée. En effet, leur taille leur permet de s'introduire plus aisément jusqu'au coeur de l'organe ou de la cellule visé. De plus, il est possible que certains produits aient une composition en "oignon", formés de plusieurs couches de substances qui se dissoudraient à un rythme précis au cours du passage vers la cible du traitement assurant que la substance curative sera libérée essentiellement au moment et au lieu souhaités.

Par exemple, une substance devant agir dans le cerveau de personnes atteintes d'Alzheimer pourrait être introduite par voie orale. Les nanoparticules franchiraient la barrière hémato-encéphalique déjà citée. Ensuite, au contact des cellules nerveuses, Ensuite, au contact des cellules nerveuses, ou encore d'agrégats de protéines tau ou beta-amyloides, la couche protectrice de la nanoparticule se dissoudrait assurant la libération du produit actif.

Les nanorobots

Des machines de taille microscopique s'introduisant dans le corps des patients sont un rêve - ou parfois un cauchemar - des auteurs de science-fiction depuis de nombreuses décennies. Les progrès des technologies rendent ces machines envisageables à terme. Ceci ouvre des perspectives radicales dans les domaines de la lutte contre le cancer, de la chirurgie non invasive et plus largement des traitements relatifs à la lutte contre le vieillissement.

En ce qui concerne la lutte contre le cancer, mais aussi contre les maladies cardio-vasculaires, les nanorobots pourraient sélectivement s’attaquer aux cellules cancéreuses. Ils pourraient aussi notamment détruire les agrégations qui se produisent dans les vaisseaux sanguins.

Plus généralement, des nanorobots pourraient progressivement, cellule par cellule, remodeler le corps par une sorte de chirurgie non invasive.

Les premiers nanorobots existent, mais uniquement en tant que "gadget", des machines qui fonctionnent mais n'ont pas encore d'utilité même en dehors de la médecine.

Le passage de la science-fiction au réel suppose notamment:
  • La maîtrise de la production de nanorobots identiques. Vu le nombre de robots nécessaires, cette production doit être totalement automatisable et il faut en outre être raisonnablement certain de l’innocuité des objets "ratés".
  • La maîtrise du fonctionnement des robots. Ils auraient, en tout cas dans un avenir prévisible, une seule tâche. Ici aussi il faut être raisonnablement certain de l’innocuité en cas de dysfonctionnement.
  • Les machines construites doivent disposer d'une source d'énergie. A ce sujet, il est cependant possible d'envisager que l'énergie soit fournie à distance par induction ou encore que les cellules du corps humain fournissent cette énergie.
  • Enfin, pour les machines les plus complexes, il resterait à "programmer" le nanorobot.
Dans un avenir technologiquement relativement proche, les nanomédicaments efficaces sont donc plus vraisemblables que les nanorobots médicaux. Mais des objets microscopiques susceptibles de répéter à l'infini une tâche spécifique simple médicalement utile ne sont cependant peut-être pas si éloignés. 



La bonne nouvelle du mois: un pas dans la lutte contre la maladie de Parkinson

Des singes souffrant d'une maladie similaire à la maladie de Parkinson auraient fait des progrès notables après l’implantation de cellules souches humaines dans le cerveau.  Des signes d’amélioration du comportement chez quatre singes chez qui on a provoqué artificiellement une maladie proche de la maladie humaine de Parkinson auraient été observés. Les animaux dont les membres bougeaient spasmodiquement, un symptôme courant du syndrome de Parkinson, et qui peinaient à contrôler leur corps ont montré des signes d’amélioration trois mois après l’opération. Six mois après la transplantation, les primates testés étaient à nouveau capables de marcher dans leur cage .

Ces résultats ont été annoncés par l’équipe de monsieur Jun Takahashi, professeur à l’Université de Kyoto. Les recherches citées n’ont pas encore fait l’objet d’une publication.

Si cette expérience est confirmée, elle ouvre des perspectives importantes et spectaculaires. Cela signifierait notamment que le cerveau est plus adaptable que ce qui est généralement estimé à ce jour. Les maladies liées aux dégénérescences du cerveau, particulièrement la maladie d'Alzheimer, sont actuellement généralement incurables. La maladie d'Alzheimer à elle seule touche près de 2 % de la population dans les pays les plus riches, plus de 10 % des personnes âgées de 60 ans et plus et près de la moitié des citoyens de plus de 85 ans. 


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