samedi 14 mai 2011

La mort de la mort. Numéro 25. Avril 2011.

Lorsque la sécurité sociale rencontre l'immortalité (...) On pourrait sourire devant l'exubérance d'Aubrey de Grey, mais la prolongation de la vie n'est pas un sujet de plaisanterie. Nous devrions réfléchir à ce sujet et entamer une réelle planification. Des percées dans la génétique du vieillissement vont se produire. Et quand elles le feront, elles bouleverseront tout dans la façon dont nous vivons, travaillons, aimons et jouons sur cette planète. (Bernard Starr, professeur à l'université de New-York, traduction).



Longévité humaine: évolutions médiatiques et sociales récentes

Durant les premiers mois de cette année 2011, les discussions à propos d'une vie beaucoup plus longue se sont multipliées.

Le développement le plus spectaculaire est la couverture du Time, le périodique international le plus lu de la planète. Le titre principal du numéro du 10 février était "2045. The year Man Becomes Immortal".

Ces articles qui font date donnent notamment la parole à deux acteurs majeurs de la lutte contre le vieillissement: Aubrey de Grey et Ray Kurzweil.

Aubrey de Grey est un biogérontologue britannique qui donne la priorité à des recherches médicales nouvelles pour parvenir à un vieillissement négligeable. Il a également initié le "Pix de la Souris Mathusalem", prix de plusieurs millions de dollars qui récompensera le chercheur qui parviendra à faire vivre une souris plus longtemps que la plus grande longévité actuelle.

Ray Kurzweil, informaticien et inventeur surdoué, est entre autres le promoteur infatigable de prévisions scientifiques annonçant des progressions technologiques de plus en plus rapides. Cette accélération est illustrée par les "lois de Moore", lesquelles décrivent depuis plusieurs décennies une progression exponentielle de la puissance, capacité et rapidité en informatique.

Ces deux personnalités ont en commun le souhait de permettre une vie beaucoup plus longue en bonne santé non seulement pour les futures générations, mais également, le cas échéant pour nous-mêmes, en tout cas si nous parvenons à "tenir" jusqu'aux années 30 ou 40 de ce siècle.

Dans le monde francophone, deux livres importants sont parus.

La mort de la mort. Comment la technomédecine va bouleverser l'humanité. Cet ouvrage de 400 pages est écrit par Laurent Alexandre, fondateur du site médical le plus connu du monde francophone Doctissimo. Monsieur Alexandre est aujourd'hui président d'une société belge de biotechnologie.

Le professeur, pionner de l'internet médical, explique de manière détaillée et attrayante, combien, selon lui, les affrontements politiques du futur proche opposeront transhumanistes et bioluddites. Les premiers, qui seront les plus nombreux, se montreront favorables à l'amélioration des hommes et des femmes et partisans entre autres d'une vie en bonne santé beaucoup plus longue. Les seconds tenteront sans succès de garder le monde des êtres humains comme il était, mais ils seront vaincus. En effet, dans un monde où la maladie d'Alzheimer risque de toucher et dégrader des millions de personnes âgées parfois sur plusieurs générations, les citoyens de gauche comme de droite se mobiliseront pour que le droit des citoyens âgés à une vie digne prime des conceptions réactionnaires issus de certains groupes religieux ou politiques refusant le progrès technique.

Se définissant lui-même comme non transhumaniste, Laurent Alexandre, qui vient également d'achever un autre ouvrage sur le thème des progressions technologiques (Google Démocratie) ,multiplie actuellement les contacts presse et sera notamment présent à une conférence à Paris à la Sorbonne le 16 juin.

L'autre ouvrage intitulé Au-delà de nos limites biologiques n'est pas encore disponible dans les librairies, mais a déjà fait l'objet d'une assez forte promotion dans les médias. La présentation de la publication sur le site Amazon.fr mentionne: (Une) équipe de chercheurs est en train de toucher au but. Elle est dirigée par le professeur Miroslav Radman, l'un des plus grands généticiens de la planète (...). Ce livre annonce cette découverte phénoménale et encore secrète. Il en raconte de façon passionnante la genèse.

Le ton de l'ouvrage (ou en tout cas sa présentation) est très probablement trop optimiste. L'expérimentation génétique permet de doubler la durée de vie de certains invertébrés presque microscopiques comme les nématodes. Mais les maladies liées au vieillissement humain sont trop complexes et les causes de décès des personnes âgées sont trop multiples pour espérer (ou redouter?!) un doublement de la durée de vie par une percée médicale réalisée en quelques années. Et c'est spécialement improbable en tant que progressions venue d'un groupe réduit de médecins travaillant en secret.

Il n'en reste pas moins que le professeur Radman est effectivement un biologiste connu et reconnu et que ses recherches constituent certainement un jalon parmi les avancées nombreuses et de plus en plus rapides dans la compréhension et la maîtrise des mécanismes du vieillissement.


La bonne nouvelle du mois


Dans un texte optimiste, mais modéré, le parti vert européen s'est prononcé le 3 avril en faveur de progrès notamment technologiques permettant une vie plus longue et en meilleure santé . Le texte incite notamment à être prudents par rapport aux thérapies géniques, mais aussi à prendre en compte que ces thérapies peuvent assurer une vie meilleure à des millions de personnes souffrant d'affections débilitantes telles la maladie d'Alzheimer.



- Pour en savoir plus de manière générale: http://heales.org/, http://sens.org/, http://imminst.org/ et http://immortalite.org/
- Pour lire l'article When social security meets immortality: http://www.huffingtonpost.com/bernard-starr/when-social-security-meet_b_850140.html
- Pour acquérir l'ouvrage "La mort de la mort": http://www.bibliosurf.com/La-mort-de-la-mort
- Pour commander l'ouvrage "Au-delà de nos limites biologiques: http://www.amazon.fr/Doubler-sa-vie-Miroslav-Radman/dp/2259211070/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1303464020&sr=8-1
- Pour lire la résolution du Parti vert européen: http://europeangreens.eu/fileadmin/logos/pdf/policy_documents/resolutions/Budapest/3._The_elderly_in_Europe_01.pdf
- Pour réagir ou recevoir la lettre d'information: info@heales.org

dimanche 1 mai 2011

Plaidoyer progressiste et technoprogressiste notamment pour une vie beaucoup plus longue pour tous (1er mai 2011)

Cette mort que la Nature nous a imposée, nous allons continuer à chercher à la combattre par les NBIC (*) et, probablement, avec plus de succès que jamais. Laurent Alexandre. La mort de la mort. Avril 2011.

Depuis mai 2010, l'espérance de vie en bonne santé a augmenté d'environ un trimestre dans la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vivorde et de près d'un semestre au Bangladesh. Des millions de citoyens néerlandophones, francophones et du reste du monde qui seraient morts au cours des douze derniers mois sans progrès de santé et croissance économique coulent aujourd'hui des jours relativement paisibles.

Jusqu'à la première moitié du siècle passé au moins, le désir de progrès technique et le désir d'égalité sociale étaient liés. La gauche rêvait de lendemains qui chantaient. Ces lendemains étaient faits de plus d'égalité, de plus de biens et d'un monde plus facile à vivre matériellement et technologiquement.

Aujourd'hui, les progressistes ne rêvent plus guère de progrès technique. Ce n'est pas parce que les progrès, avant de bénéficier à tous, profitent d'abord aux riches et créent parfois du chômage pour les travailleurs pauvres, car cela a été le cas depuis des siècles. C'est probablement plus dû au traumatisme de l'échec de l'Union soviétique qui se réclamait presque indissociablement du communisme et du progrès technique. Et plus récemment, le développement des pollutions a mené beaucoup de progressistes à vouloir "renverser la vapeur" là où il fallait plutôt la purifier et donc orienter autrement.

Aujourd'hui, en termes d'abondance, les lendemains ont chanté largement. Contrairement à ce que beaucoup affirment, l'accélération est non pas moindre, mais plus extraordinaire encore dans les pays du Sud. La mortalité infantile qui était une source majeure de décès poursuit sa diminution et ceci même dans la majorité des Etats africains, malgré les ravages de la malnutrition et de l'épidémie de Sida.

Dans ce cadre de progrès humains globaux sans équivalent dans l'histoire de l'humanité, le téléphone mobile est le premier objet courant jamais passé du statut de bien de luxe à celui d'outil accessible à la majorité des citoyens du monde en moins d'une génération. Avant la fin de cette décennie, la majorité des citoyens du monde devrait avoir accès à des mobiles connectés à internet. Une part énorme des connaissances collectives universelles sera accessible à presque tous presque sans coût et sans discrimination. Et ainsi, même les citoyens pauvres du Sud auront accès à plus de connaissance que ce qui était accessible aux plus riches habitants des pays du Nord il y a moins d'un siècle.

Dans les développements à court et moyen terme, les progressistes gagneraient à être technoprogressistes. Ils pourraient exiger que chaque citoyen ait droit à un téléphone mobile (avec des rayonnements faibles, mais avec des accès forts à des services collectifs) plutôt que de se concentrer sur les dangers de ces appareils. Ils gagneraient à proposer que Google, Wikipédia fonctionnent comme des services publics de plus en plus développés plutôt que d'intervenir presque exclusivement par rapport aux dangers.

Une gauche proactive pourrait exiger des investissements publics importants pour permettre à tous de vieillir beaucoup moins dans quelques décennies. Aujourd'hui les différences entre espérances de vie au Sud et au Nord s'amenuisent. Mais si les recherches pour une meilleure santé et une vie plus longue sont envisagés avec méfiance, les progrès seront réservés aux plus aisés, seuls capables de s'offrir les soins.

Une gauche favorable aux progrès pourrait plus globalement réclamer des investissements technologiques collectifs plus importants dans les domaines médicaux, de diffusion des connaissances et de gestion des énergies. Dans ce dernier domaine heureusement, les écologistes et la gauche semblent devenir ou redevenir technoprogressistes, mais en axant l'essentiel de leur énergie sur la problématique du réchauffement climatique. Ceci alors que la question environnementale principale, proche, mais pas identique, est celle de la mise à disposition suffisante et rapide d'énergies abondantes, non polluantes et renouvelables.

Ces avancées fantastiques ne résolvent pas (encore?) tous les problèmes de bien-être. Ceci s'explique notamment parce que l'abondance est un instrument insuffisant pour permettre le bonheur de tous. De plus, au-delà d'un certain niveau de confort matériel, la perception du bien-être se fait presque exclusivement par comparaison avec le niveau matériel des autres, lequel niveau progresse aussi. Il reste donc à la gauche (et pas qu'à elle) à découvrir comment augmenter le bonheur dans une économie d'abondance où le lait et le miel, symboles d'abondance et de bonheur, coulent tellement pour tous que cela ne nous satisfait plus.

Pourquoi encore la gauche doit-elle être technoprogressiste? Pour développer l'égalité du futur. Mais aussi parce que les progressions technologiques rapides comprennent des risques immenses non seulement dans les développements en cours souvent abordés (pollutions, effets de serre, risques pour la vie privée, fracture numérique,...) mais également dans les développements à moyen terme. Ce sont des risques existentiels liés à la maîtrise de plus en plus absolue de la structure du vivant, de la matière et peut-être à terme au développement de l'intelligence artificielle. Et le principe de précaution dans une société évoluant, ce n'est pas toujours arrêter les modifications technologiques, cela peut-être au contraire les accélérer pour sauver des vies et diminuer des risques.

Pour que le progrès technique ait le plus de chance d'être aussi un progrès tout court, pour que les lendemains extraordinaires soient aussi des lendemains qui chantent, un des éléments favorables est une gauche proactive, capable de faire primer paix, égalité, justice et souci du bien commun sur les intérêts financiers et matériels à court terme.

Il faut penser globalement pour agir localement. Il faut aussi penser à long terme pour agir à court terme. La question n'est plus de savoir si les progressions technologiques vont permettre une vie beaucoup plus longue en bonne santé, mais de réfléchir collectivement aux conséquences, de permettre à tous ceux qui le souhaitent de vivre plus longtemps et de maitriser les risques. La science-fiction d'aujourd'hui, rêve ou cauchemar, voire plus probablement rêve et cauchemar, ne sera pas seulement la réalité de nos enfants, ce sera aussi la nôtre.