jeudi 31 décembre 2009

La mort de la mort. Numéro 10. Décembre 2009.


Sera puni (...) quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. (Article 223-6 du Code pénal français)

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Thème du mois: l'impératif d'assistance à personne âgée en danger

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Scène hypothétique. Vous êtes chef d'une petite gare de chemin de fer à deux voies. Sur une voie, un bébé dort dans une poussette bloquée. Sur l'autre voie, un vieillard en chaise roulante est également immobilisé. Un train de marchandise arrive et vous ne pouvez plus l'arrêter. Allez-vous actionner l'aiguillage pour écraser le bébé ou le vieillard?

Et maintenant la même scène hypothétique, mais la mère s'est précipité et vient de déplacer la poussette. Cette fois, il y a peu de chances que vous hésitiez, vous allez faire passer le train sur l'autre voie.

Au cours des siècles, il est probable que vous auriez réagi très différemment à un problème moral de choix entre un vieillard et un bébé. Il y a 300 ans, tuer un être qui n'avait pas une chance sur deux d'atteindre l'âge adulte était un acte moins grave que tuer un autre être humain, âgé ou non.

Aujourd'hui, inconsciemment ou consciemment, certains se diront qu'une personne âgée "a fait son temps". Pour les personnes âgées considérées dans leur ensemble. Il serait "bon" qu'elles meurent de vieillesse afin de pouvoir "laisser la place" aux générations futures. Ce raisonnement n'est cependant pas suivi à l'échelle individuelle. Lorsque, par exemple, un homme d'âge mur laisse ses parents mourir dans leur maison mal entretenue pour pouvoir bénéficier rapidement de leur héritage, la désapprobation sera considérable même si le raisonnement est similaire au précédent.

Le droit de nombreux pays européens connaît le délit de "non assistance à personne en danger". Si vous assistez à une scène où la vie d'une personne est mise en danger, il vous est fait obligation de tenter de la sauver pour autant que votre vie ne soit pas à son tour en danger.

Dans ce raisonnement, l'infraction sera établie même si vous aviez une raison de ne pas vous arrêter. "J'ai ben vu qu'il allait mourir, mais mon train allait partir et j'avais déjà payé mon ticket" ne sera pas une cause de justification valable.

En fait, ce raisonnement n'a jamais été appliqué que dans des cas individuels où le risque pour la vie était immédiat. Nous savons qu'il est possible de sauver des personnes mourant de malnutrition, mais personne ne sera poursuivi parce qu'il ne verse pas d'argent à une ONG. Nous savons aussi que ne pas fumer dans les cafés sauve des vies, mais un tribunal ne considérera pas l'absence d'action contre le tabac comme de la non-assistance.

Le même raisonnement pourrait s'appliquer pour les personnes âgées. Si vous voyez une personne très âgée effondrée sur le trottoir et que vous passez votre chemin, vous pourriez être condamné. Si, comme chercheur, vous trouvez un produit capable d'octroyer des années supplémentaires de vie en bonne santé, aucun juge ne vous condamnera si vous passez quelques mois à négocier le meilleur contrat possible avec une firme pharmaceutique. Et ceci, même si le produit est potentiellement utile à tous, y inclus le juge approchant de l'âge de la pension.

Un autre argument parfois entendu au sujet de la prolongation de la vie en bonne santé est "qu'il n'y aura pas assez de place pour tout le monde". La terre est considérée comme potentiellement surpeuplée depuis Malthus, mort en 1830 dans une terre qui comptait alors à peine un milliard d'habitants. Si la mort de vieillesse cessait totalement demain, il faudrait 50 ans avant que la population d'un pays comme la Suède soit augmentée de seulement 35 %.

Nous avons donc bien des décennies pour résoudre ce problème potentiel. Et ici encore, dans un cas individuel, le juge aurait bien du mal à entendre un argument de type "Mais monsieur le juge, si je l'avais sauvé, dans 50 ans, mes enfants risqueraient de ne pas avoir assez pour vivre par sa faute."

Pourquoi, seule l'abstention directe est-elle actuellement considérée intuitivement comme condamnable? Voici quelques-unes des raisons:

- Loin des yeux, loin du cœur. Infliger la mort est perçu très différemment si la victime est physiquement proche ou lointaine. Il vous serait plus facile de tuer en apposant une signature ordonnant une exécution qu'en tirant un coup de revolver. Et ce serait plus facile en tirant un coup de revolver qu'en devant égorger soi-même cette personne même complètement ligotée. Inversement, sauver en faisant un virement électronique depuis votre ordinateur sera plus difficile que de sauver en donnant de l'argent si vous voyez des blessés réclamant des soins mais n'ayant pas les moyens de les payer.

- Le degré d'incertitude Vous n'êtes pas certain qu'en versant de l'argent pour une ONG ou pour la recherche scientifique, vous sauverez des vies. A noter cependant que si vous êtes poursuivi pour non-assistance, le juge appréciera peu une réponse de type: "De toutes façons, j'ai bien vu que cette femme allait probablement mourir même si j'appelais les secours".

- La dilution des responsabilités. Des millions de personnes pourraient agir et donc chacune aura une tendance naturelle à n'agir que si les autres agissent. Ainsi, comme il a été démontré lors d'expériences de psychologie (avec des acteurs), il vaut mieux avoir une crise cardiaque dans une pièce avec un inconnu qui se sentira obligé d'agir que dans une pièce avec dix inconnus où chacun pensera que c'est aux autres d'agir.

Mais, pour les victimes de nos actions et de nos abstentions, directement ou de loin, peu leur chaut que vous les laissiez mourir sans les voir ou en les voyant. Ce qui importe, c'est que nos abstentions ou nos agissements sauveront des vies ou seront co-responsables de décès.

En ce sens, même si nous ne serons très probablement jamais condamnés si nous ne faisons rien, lutter collectivement pour une vie plus longue et en bonne santé et lutter contre tout ce qui provoque des morts évitables notamment celles de malnutrition apparait à tout le moins comme un impératif éthique.

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La bonne nouvelle du mois: un pas de plus vers la régénération des organes

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Une société américaine, "Organovo" s'apprête à mettre sur le marché, pour des institutions de recherche, un appareil capable de produire des tissus animaux ou humains à partir de cellules. A moyen terme, c'est un pas vers la régénération d'organes à partir de cellules souches.

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dimanche 6 décembre 2009

25.000 logements bruxellois en 3.600 jours (numéro 3). Octobre - novembre 2009

Les accords gouvernementaux régionaux bruxellois de l'été 2009 sont ambitieux. Ils prévoient, d'ici à 2019, une augmentation radicale du nombre de logements publics par une norme à atteindre dans les 10 années à venir de 15% de logements de qualité à gestion publique et à finalité sociale.

Concrètement, pour que la norme soit atteinte, 25.000 logements publics au moins doivent être créés en deux législatures ou encore plus de 200 logements par mois. En fait, vu l'augmentation de la population bruxelloise, le nombre de logements devant être créés sera même plus élevé.

Il s'agit d'une mesure extrêmement volontariste que des dizaines de milliers de personnes attendent avec impatience dans une ville où il peut faire bon vivre lorsque le logement n'est pas un problème, mais où ledit logement engouffre la majorité du budget des plus démunis.

Cinq mois après les élections régionales et trois mois après la création du nouveau gouvernement, il est encore trop tôt pour mesurer de manière détaillée l'avancement du nouvel accord mais les premiers éléments n'incitent pas à l'optimisme.

En effet, l'objectif nouveau ne concerne plus seulement la construction ab nihilo de logements, mais aussi la transformation de bureaux et de biens à l'abandon en logements ainsi que la poursuite de constructions déjà entamées. Et les accords concernent des constructions et des transformations
sur le court, moyen et long terme, c'est-à-dire, logiquement, à terme long de 10 ans, moyen de quelques années et court de quelques mois.

Jusqu'ici, rien de concret n'est annoncé si ce n'est l'abandon d'un projet de la législature précédente (le projet "Paroisse") et la révision d'autres projets.

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Etat de la réalisation de 25.000 logements en 3.600 jours (connu au 30 novembre 2009):

  • nombre de logements publics nouveaux construits: 58
  • nombre de logements publics créés à partir de bureaux transformés: 0
  • nombre de logements publics créés à partir de logements et autres immeubles abandonnés: 0
  • nombre de logements publics créés par d'autres moyens (acquisitions, locations,...): 0
  • (-) Suppressions de logements publics (acquisition par les locataires, destructions,...): 0

  • Nombre total de logements publics nouveaux réellement créés: 58
  • Temps écoulé : 3 mois depuis les accords politiques (5 mois depuis le début de la législature)
  • Temps restant pour achever la mise à disposition des logements : 115 mois
  • Nombre total de logements publics qui devraient en principe être créés durant le temps écoulé (sur base de 200 logements par mois): 1.000

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Informations complémentaires:

- Un site http://www.planlogement.be avait été réalisé par le Secrétariat d'Etat bruxellois au Logement et à l'Urbanisme de la législature précédente. Seule la page d'accueil du site est encore accessible mais le contenu a été supprimé. Aucun site nouveau n'est encore disponible. Tout un symbole: le plan logement n'est plus qu'une enveloppe vide!

- Le texte de l'accord de gouvernement 2009-2014 est accessible à la page
http://www.parlbruparl.irisnet.be/images/imgparl/accords2009/accordsfr.pdf.

- Le baromètre social du rapport bruxellois sur l'état de la pauvreté indique le nombre de logements sociaux nouveaux réalisés durant l'année 2008: 12 (soit un nouveau logement par mois).

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Si vous communiquez des informations pertinentes, elles seront diffusées dans la prochaine lettre.

Didier Coeurnelle, conseiller communal à Molenbeek-Saint-Jean

mercredi 2 décembre 2009

La mort de la mort. Numéro 9. Novembre 2009.

La vie est courte, même pour ceux qui passent leur temps à la trouver longue. André Maurois.

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Thème du mois: Les durées extrêmes de vie chez les êtres humains".
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Entre espèces animales même génétiquement proches, les variations d'âges maximum sont extrêmement importantes, des rapports de l'ordre de 1 à 10 . Par contre, entre êtres humains, les différences sont beaucoup plus réduites. Aujourd'hui, dans les pays du Nord, mais aussi de plus en plus dans ceux du Sud, lorsqu'un homme ou une femme meurt des suites de la vieillesse, ce n'est généralement plus avant 70 ans, mais ce n'est jamais non plus après 120 ans.

D'innombrables légendes et belles histoires ont été écrites à propos des durées extrêmes de vie. Pour des raisons de prestige, de croyances, de confusion,... Tout au long de l'histoire, des personnes et des groupes ont prétendu vivre très longtemps. Mais des patriarches de la bible, de Mathusalem qui aurait atteint 969 ans jusqu'aux innombrables supercentenaires du Caucase soviétique tout ce qui a pu être vérifié scientifiquement s'est avéré faux.

Les principaux facteurs qui influencent l'âge du décès (en dehors des maladies, accidents, ...) sont par ordre d'importance:

- Le patrimoine génétique: l'enfant de centenaire aura plus de chances de devenir centenaire.
- Le sexe: les femmes vivent en moyenne environ deux ans de plus que les hommes (mais cette différence tend à s'amenuiser).
- Le mode de vie: les personnes mangeant modérément, faisant de l'exercice sans excès, ne fumant pas et buvant peu ou pas d'alcool vivent 5 à 10 années de plus que des personnes ne suivant pas ces règles de vie.
- L'origine et l'appartenance sociale: les personnes les plus aisées ont une espérance de vie de dix années environ supérieure aux personnes les plus pauvres; cette différence étant plus grande chez les hommes que chez les femmes.
- Enfin, la perception globale de la vie, les optimistes de bonne humeur vivant plus longtemps que les tristes pessimistes (mais il est possible d'être optimiste de mauvaise humeur!).

Dans une mesure importante, les circonstances favorables et les circonstances défavorables peuvent se superposer. La personne qui cumule tous les "avantages" (une femme optimiste ayant des parents morts âgés, d'un milieu aisé et ayant un mode de vie sain) aura une espérance de vie d'une bonne vingtaine d'années supérieure à l'homme dépressif enveloppé et fumeur issus de parents ouvriers morts jeunes.

A l'échelon des pays, les espérances de vie extrêmes vont de 32 ans pour les hommes au Swaziland, où le virus du Sida fait rage, jusqu'à 87 ans pour les femmes à Macau (Chine). Chaque année, l'espérance de vie moyenne dans le monde croît d'environ quatre mois.

Les centenaires sont de plus en plus nombreux, ils sont actuellement dans le monde plusieurs centaines de milliers, peut-être environ 300.000. Mais leur espérance de vie est courte. Aujourd'hui, sur les 6,7 milliards d'individus qui peuplent notre planète, il n'y a qu'une centaine de "supercentenaires", c'est-à-dire de personnes ayant dépassé l'âge de 110 ans.

La personne la plus âgée ayant jamais vécu est Jeanne Calment, morte à 122 ans en 1997. Elle restera la personne ayant vécu le plus longtemps pendant encore fort longtemps puisqu'en ce mois de novembre 2009, pas une seule personne vivante au monde n'a vécu plus de 115 printemps.

A l'autre extrémité de la longévité, il y a des maladies génétiques qui ralentissent considérablement l'espérance de vie. Avec la progéria et le syndrome de Down, beaucoup de choses se passent comme si le corps humain vieillissait d'une manière accélérée. Pour l'enfant atteint de progéria, le décès surviendra presque toujours avant 20 ans. Avec le syndrome de Werner, la personne atteint l'âge adulte, mais ensuite son vieillissement est accéléré et elle mourra généralement avant 50 ans.

La maîtrise des mécanismes génétiques pourrait permettre un jour de lutter contre ces maladies. Cela pourrait concerner les personnes déjà vivantes aujourd'hui par le biais de traitements voire de thérapies génétiques. Certains projettent aussi de traiter les maladies des supercentenaires, pour que les frontières de durées de vie actuelles laissent place à plus d'avenir.

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La bonne nouvelle du mois: une thérapie génique rend la vue à des enfants presque aveugles.
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Il y a plus de deux ans, des enfants atteints d'une maladie génétique les rendant pratiquement aveugles ont reçu, par injection dans les yeux, des virus portant des gènes pouvant remplacer les gènes responsables de la vision altérée. Aujourd'hui, pour certains enfants, le traitement a été si efficace qu'ils ont pu rejoindre un enseignement ordinaire.

Toute thérapie génique réussie balise la voie de traitements génétiques contre le vieillissement. Et chaque mois qui passe, les connaissances en matière de génomes humain et animaux croissent notamment ceux concernant le vieillissement. L'horloge biologique progresse inexorablement, mais la science médicale repousse constamment les limites de l'imaginable.

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• Pour en savoir plus: http://sens.org, http://imminst.org, http://heales.org et http://immortalite.org.

• Pour réagir ou recevoir la lettre d'information: info@heales.org

• Image: jeune fille ou femme très âgée selon l'angle de vue.