dimanche 9 décembre 2007

L'effet Veblen et la dure vie des citoyens trop riches

Cela fait quelques millénaires que cela dure. Etre riche, cela n'est pas si facile.

Il y a très longtemps que les riches se parent de bijoux trop lourds, habitent des maisons trop grandes et mangent trop notamment parce que ce sont des symboles de richesse. Par exemple, le seigneur du moyen-âge habitait souvent un grand château glacé en hiver alors qu'une petite chaumière surchauffée eut été tellement plus agréable.

Il y a plus d’un siècle, l'économiste Thorstein Veblen (1857 – 1929) donnait à ce besoin de montrer sa richesse y inclus parfois aux dépens du confort le nom de "consommation ostentatoire". Par exemple, dans sa "Théorie de la classe de loisir", il montrait comment le lustre de l'étoffe, était prisé dans les chapeaux car servant à montrer qu'on les change souvent, et considéré défavorablement pour les pantalons parce qu'il montre qu'au contraire on ne les a pas changés depuis longtemps.

Aujourd'hui, des centaines de milliers d'habitants des grandes villes s'achètent des grandes et grosses voitures alors qu'un véhicule plus petit ou l'utilisation des transports en commun serait plus simple. Dans le même registre de taille mais inversé, le cadre supérieur voudra le GSM le plus petit possible là où un appareil plus grand serait plus simple. Et, enfin, du point de vue disponibilité, il insistera pour être disponible 24 heures sur 24 (plus disponible encore que le travailleur surmené du night shop voisin mais ne lui dites pas). Alors qu'il y a quelques décennies, il aurait mis tout en oeuvre pour être le plus inaccessible possible.

Pour quelques dizaines de millions de personnes (dont plusieurs centaines de milliers de belges), la vie est devenue encore plus complexe qu’auparavant. Du fait de l’augmentation du niveau de vie, les super riches ont à peu près tout ce qui est nécessaire ou même simplement agréable du point de vue matériel en ce début de 21ème siècle : maisons, voitures, voyages, nourriture, gadgets,…

Mais curieusement, souvent, ceci crée des difficultés psychologiques regroupées sous le nom "Wealth Fatigue Syndrome". En quelques mots, le super riche (qui est le plus souvent enfant de parents super riches) n'a plus grand chose à désirer, n'a plus guère d'objectifs dans la vie, doit se méfier de tous ceux qui ne sont pas super riches et ne se différencie plus que par le superflu.

Rien à voir, en ampleur, avec les difficultés des plus pauvres mais il n’empêche, ce ne sont pas des difficultés négligeables. Pour soigner les riches, plusieurs solutions originales sont envisageables notamment:

  • Limiter les patrimoines à un revenu maximum d'intégration (RMI !). Ainsi, la concurrence des richesses connaitrait un plafond qui pourrait être rassurant en assurant une égalité au sommet de l’échelle;
  • Faciliter le réinvestissement du patrimoine et de l’énergie dans des objectifs sociaux. collectifs.Ainsi, la reconnaissance sociale vis-à-vis des riches s’élèverait.

Evidemment de telles solutions ne feront pas l'objet d'un consensus rapide chez les super riches. Mais il est à noter que pas mal de milliardaires s'appliquent les solutions à eux-mêmes avec un certain succès. Ce serait intéressant si un "effet Veblen" pouvait se marquer pour une redistribution large des richesses. Et ce n’est pas une idée farfelue. Après tout, le don est une des sortes les plus connues de consommation ostentatoire (par exemple le "Potlatch").

Les problèmes des super riches d'aujourd'hui sont probablement les problèmes de demain des autres citoyens. Le belge moyen a déjà un niveau de vie infiniment supérieur à un seigneur du moyen-âge. La Bible citait les rivières où coulaient le blé et le miel. A ce niveau, un supermarché contemporain est un paradis. En 2007, nous sommes plus de 2 milliards d’habitants de la planète à tellement manger trop que nous souffrons de surpoids contre seulement 800 millions qui ne mangent pas assez.

Aujourd'hui, nous pourrions, moyennant des efforts réduits et en augmentant même notre confort psychologique, utiliser tout ou partie de notre énergie non à consommer ou gagner plus mais à augmenter le bien-être de ceux qui ont été les plus exploités jusqu’ici.

Mais que ferons-nous le jour où nous serons tous immensément riches?

J’espère vivre assez longtemps pour voir cette question ne plus être seulement théorique.

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