samedi 4 mai 2013

La mort de la mort. Numéro 49. Avril 2013.



Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. Article 25, alinéa 1er, de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Article rédigé à un moment où la lutte contre les maladies liées au vieillissement n'avait pas la même signification qu'aujourd'hui. Les droits de l'homme sont évolutifs. 



Thème du mois: Les opinions publiques et la croissance de l'espérance de vie en bonne santé. Croyances et faits.


Comment réagissent les citoyens par rapport aux perspectives de croissance de l'espérance de vie?

Il n'y a pas d'uniformité des opinions et c'est pourquoi cette lettre décrit "les opinions publiques" et pas "l'opinion publique". Les opinions décrites ci-dessous sont contradictoires parce qu'elles émanent de segments différents de la population, mais elles peuvent aussi être exprimées par les mêmes personnes à des moments différents. Enfin, nombre des idées fréquemment émises s'expliquent en grande partie par une méconnaissance des faits. En ce qui concerne les éléments factuels, les liens dans la présente lettre renvoient vers des textes antérieurs de 'La mort de la mort".

Voici quelques-unes des opinions fréquentes:

«Nos enfants seront la première génération à vivre moins longtemps que ses parents» OU «Un bébé sur deux qui naît aujourd'hui deviendra centenaire»

Les deux affirmations sont entendues asses souvent. Nul ne sait bien sûr ce que sera le futur. Les optimistes se basent sur la croissance de l'espérance de vie depuis plus d'un siècle et l'accélération de progrès médicaux. Les pessimistes arguent de l'augmentation des pollutions et de modes de vie néfastes à la santé.

La réalité est qu'actuellement la mortalité continue à diminuer tant chez les adultes que chez les enfants. Nous gagnons bon an mal an trois mois de vie en plus par an. Les pessimistes pourront cependant signaler que la longévité extrême ne croit plus guère actuellement. En effet, dépasser l'âge de 110 ans reste un phénomène rarissime.

«Permettre une vie en bonne santé plus longue est souhaitable» OU «Nous ne devons pas vivre plus longtemps car nous sommes déjà trop nombreux»

Généralement, l'opinion publique est en faveur d'un meilleur traitement des personnes âgées. Mais parfois certains affirment qu'il ne faut pas trop prolonger la vie des aînés en se basant sur la fausse croyance que l'allongement de la vie provoque une surpopulation. En fait, les pays où la population grandit le plus vite sont ceux où l'espérance de vie est la plus courte.

«Permettre une vie en bonne santé plus longue, aussi aux personnes fragiles est un impératif moral» OU «Nous devons laisser la place aux générations suivantes»

Beaucoup de citoyens ont une attitude ambigüe. Ils défendent ardemment les personnes âgées proches en réclamant de meilleurs soins, des maisons de repos plus adaptées et un plus grand respect. Mais lorsque les progrès médicaux sont cités comme moyen pour permettre plus de bien-être plus longtemps aux personnes âgées dans leur ensemble, des oppositions se font entendre au nom des générations futures. Une des raisons de ce paradoxe est que les soins à "nos" ainés concernent des individus que nous connaissons alors que les bénéficiaires des progrès médicaux sont des individus inconnus. Un mort dû à de mauvais traitements dans un hospice, c'est un drame. Dix pour cent de morts de personnes âgées en plus parce que des techniques médicales nouvelles ne sont pas mises en œuvre, c'est perçu comme une statistique. Derrière les statistiques de décès, il y a pourtant des millions d'émotions et de souffrances.

Il est presque certain que la partie de l'opinion publique qui se préoccupe des générations futures se préoccuperait au moins autant de retarder des souffrances si elle voyait l'effet concret de l'absence de progrès sur des personnes âgées proches.

«Tout progrès médical qui améliore la vie en bonne santé est positif» OU «La science et la médecine doivent respecter l'ordre naturel des choses»

La conviction qu'il y a des médecines et des traitements "naturels" contre le vieillissement et d'autres qui ne le sont pas est intéressante, mais repose sur plusieurs erreurs.

D'abord, dans la nature, le vieillissement n'est que très rarement naturel. Les animaux sont rapidement éliminés par les prédateurs, les parasites... dès les premiers signes d'affaiblissement.

Ensuite, il n'y a presque pas de médecine "naturelle". L'histoire de l'humanité (Homo sapiens sapiens) a débuté il y a plus de 100.000 ans. L'immense majorité des médecines ne sont nées qu'il n'y a que quelques siècles. Avant, nous ignorions par exemple que le cerveau était le lieu de la conscience, que le sang circulait à travers tout le corps et même parfois (comme chez  les religieux taoïstes par exemple) que manger et respirer sont indispensables à la vie.

En fait, pour l'opinion publique majoritaire, il y a, au regard du temps qui passe, trois types de médecine:

·         les médecines traditionnelles antérieures (ou parfois extérieures) à la médecine actuellement enseignée dans les universités;
·         la médecine actuellement largement pratiquée;
·         les recherches médicales en cours.

Souvent, les citoyens les plus réticents aux progrès médicaux définissent les nouvelles techniques comme inutilement invasives, se mêlant trop intimement à notre corps. En fait, la transfusion sanguine et les greffes d'organes sont des techniques bien plus invasives que les nouvelles techniques médicales. La véritable raison est l'attitude vis-à-vis des nouveautés ce qui amène à l'affirmation suivante.

«La médecine fait des progrès extraordinaires» OU «La médecine moderne est dangereuse»

Les citoyens expriment souvent le souhait de recevoir et de rendre accessibles à tous les soins les plus modernes. En même temps, ils s'inquiètent des dangers des nouvelles technologies.

Une des différences majeures pour les citoyens se situe dans le caractère perçu comme libre ou pas de la nouveauté. Par exemple, une vaccination ou un nouveau traitement facultatif sera plus acceptable qu'en cas d'imposition.

Mais la raison principale de la peur vis-à-vis des nouveautés est probablement que l'information médicale disponible pour un large public met plus l'accent sur les échecs et sur les risques que sur les progressions concrètes. Les découvertes médicales spectaculaires sont décrites par les médias, mais pas l'effet positif progressif en termes de qualité et de durée de vie pour les citoyens. Par contre, les accidents médicaux, en particulièrement avec de nouvelles techniques, auront un succès médiatique assuré.

«Lutter contre le vieillissement est acceptable d'un point de vue religieux» OU «Lutter contre le vieillissement est contraire à la volonté de Dieu»

Rien dans les textes fondamentaux des religions les plus courantes ne s'oppose aux soins aux personnes âgées. Mais ces textes fondateurs n'ont pas envisagé les progrès médicaux. En pratique, jusqu'ici, les dirigeants religieux se sont généralement adaptés aux progressions médicales, une fois qu'elles se sont répandues. Hier, l'opinion publique aurait été scandalisée par une greffe ou une transfusion. Aujourd'hui, l'opinion publique est scandalisée lorsque des témoins de Jéhovah refusent les greffes ou les transfusions pour leurs enfants. Après-demain, les mêmes personnes pourront être scandalisées si certains veulent refuser des soins de réjuvénation pour les personnes les plus âgées.
«La vie est trop courte» OU «Il vaut mieux vivre moins longtemps, mais mieux»

La majorité de nos contemporains se plaignent de manquer de temps, mais simultanément beaucoup affirment que l'ennui naitrait d'une vie trop longue. Ceux qui développent la vision pessimiste ignorent  que les personnes plus âgées sont généralement plus heureuses que les autres citoyens, moins violentes et plus respectueuses de l'environnement.

Lorsqu'ils sont interrogés sur le temps qu'ils désirent vivre, globalement les femmes et les hommes donnent trois types de réponse:

·         Je voudrais vivre 70 ou 80 ans (la durée normale de vie aujourd'hui)
·         Je voudrais vivre 100 ou 120 ans (la durée maximale de vie aujourd'hui)
·         Plus rarement, je voudrais vivre sans limite de durée.

Mais presque personne ne répond qu'il voudrait vivre 50 ans, la durée "naturelle" maximale de vie durant plus de 90 pour cent de l'histoire de l'humanité.

En conclusion, les opinions publiques sont globalement prudentes, souvent contradictoires et changeantes. Ces changements de l'opinion peuvent être beaucoup plus rapides ... que ce que l'opinion publique perçoit. Qui se serait par exemple imaginé il y a 20 ans que l'essentiel de nos idées serait diffusé par voie électronique sans que presque personne ne s'en émeuve. Nous pourrions nous adapter à une vie avec un vieillissement négligeable presque sans nous en rendre compte. Le vieillissement est un phénomène imperceptible au jour le jour, la fin du vieillissement par des progrès médicaux successifs pourrait être aussi une évolution sans révolution pour la majorité des citoyens.



La bonne nouvelle du mois: l'intelligence artificielle d'IBM affronte la médecine de pointe



En 2011, le système informatique Watson, mis au point par la société IBM avait réussi à battre les meilleurs champions du jeu américain de culture générale Jeopardy. Deux ans plus tard, une première application médicale de ce logiciel est en développement. Il s'agit d'un outil "d'aide à la décision" en matière de traitement du cancer. Cette application est actuellement testée au "Memorial Sloan–Kettering Cancer Center" de New York en collaboration avec une grande compagnie américaine d'assurance maladie "WellPoint". Une extraordinaire puissance de déduction médicale pourrait bientôt être accessible aux victimes de cancer.



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