mercredi 27 juillet 2011

La mort de la mort. Numéro 28. Juillet 2011.

Jamais, on n’a vu un comité d’éthique se poser avec courage cette question: qui est responsable de ne pas avoir fait ce qui aurait pu assurer une meilleure vie à nos enfants. Page 159. Au-delà de nos limites biologiques. Les secrets de la longévité. Miroslav Radman avec Daniel Carton. 2011.


Pourquoi vieillissons-nous: explications scientifiques

Pourquoi vieillissons-nous? Il ne s'agit pas, dans cette lettre, de s'attaquer aux questions éthiques ou philosophiques mais bien aux raisons du vieillissement en termes scientifiques. En quelques lignes, les explications ne pourront être que parcellaires car les scientifiques ont écrit des ouvrages entiers. Un récapitulatif est cependant utile encore que la compréhension des théories varie selon les sources.

Même si les spécialistes prétendront souvent que leur théorie est la bonne et ne demande qu'à être affinée, il reste néanmoins une dose non négligeable de mystère. Ce n'est d'ailleurs pas le seul mystère de taille dans le mode de fonctionnement de la physiologie des animaux. La mort est, pour autant que nous le sachions, la fin de notre conscience. Mais chacun d'entre nous subit presque chaque jour, durant près du tiers de sa vie, une perte de conscience presque totale à savoir le sommeil. Et les raisons précises pour lesquelles ce type de repos est indispensable à notre survie sont encore en grande partie inconnues,

Mais revenons au sommeil définitif, au néant, à la mort. Qu'est-ce qui justifie en termes scientifiques ces mécanismes inévitables, ces dégradations irréparables chez (presque?) tous les animaux multicellulaires?

Parmi les centaines d'explications envisagées, la présente lettre n'abordera pas les théories les plus minoritaires. Il reste cependant bien des variantes qui peuvent être classées en plusieurs grandes catégories d'explication différentes quoiqu'elles présentent des points communs.

Les gènes ambivalents (pléiotropie antagoniste)

Tout animal débute sa vie par une phase de croissance. Ceci suppose un programme génétique très spécifique qui n'est plus utile une fois arrivé à l'âge adulte. Selon cette théorie, les gènes utiles lors de la croissance ou de la reproduction ont comme conséquence collatérale le vieillissement.

Cette explication ne concerne cependant que certains aspects du vieillissement.

La mort programmée ou l'enveloppe jetable après la reproduction

Les animaux seraient constitués génétiquement pour mourir après la reproduction. Cette évolution est peu discutable pour des invertébrés (certains insectes, des calmars,...) et même certains vertébrés (les saumons).

Mais pour la plupart des animaux, la période de reproduction ne se limite pas à une seule ponte ou mise bas et donc la "mort programmée" si elle existe est un processus progressif.

La mort par "désintérêt" de la conservation

Etant donné que, statistiquement, un animal a une chance négligeable de survivre longtemps à la prédation et aux autres causes de décès "naturel", les mécanismes de conservation n'interviennent que pour une période de temps limitée. C'est ce qui expliquerait que les animaux les plus sensibles à la prédation (des souris ou des insectes par exemple) vivent beaucoup moins longtemps que des animaux qui sont bien protégés (animaux de grande taille, animaux volants, tortues à la carapace épaisse,...).

Cependant, le vieillissement intervient, lentement mais inéluctablement, même chez des animaux virtuellement sans prédateur (mais il est vrai pas sans parasites) à l'âge adulte (éléphants, baleines,...).

Le soma disponible

Les animaux à leur naissance puis durant leur développement posséderaient une quantité limitée d'énergie. Celle-ci peut être utilisée soit pour la reproduction, soit pour le maintien en vie mais durant une période limitée. Les animaux ayant beaucoup de descendants rapidement vivront donc une vie courte alors que ceux ayant peu de jeunes vivront longtemps.

Cependant, nombre d'animaux, comme des insectes sociaux (fourmis, termites) ou encore certains invertébrés (par exemple les oursins) ont à la fois une fécondité et une longévité élevée.

La longueur des télomères

A chaque division cellulaire, une petite partie des chromosomes disparaît, un peu comme un lacet dont ou couperait le bout. Lors d'une division normale, la partie du chromosome qui disparaît est appelée télomère. Elle contient des informations génétiques non nécessaires à la cellule. Mais après un certain nombre de divisions (une cinquantaine chez l'être humain), les télomères sont réduits à néant et la cellule se reproduit plus imparfaitement ou plus du tout.

Cependant, la longueur des télomères n'est certainement pas le seul élément du vieillissement car celui-ci peut intervenir aussi chez des animaux dont les télomères ne sont guère entamés.

Les accumulations: les radicaux libres, les mutations génétiques, les autres substances

Le corps d'un animal ou d'un être humain s'abîme progressivement de par des accumulations progressives de substances qui ne sont pas souhaitables ou qui sont même nocives. Ces théories répondent bien à une perception intuitive d'un système qui se dégrade petit à petit avec une accélération en fin de vie. Les dégradations sont notamment dues:

- aux radicaux libres: l'oxygène est un gaz très réactif qui constitue des dérivés, les radicaux libres, qui s'accumulent progressivement dans les cellules;

- aux mutations génétiques: elles se produisent au cours de chaque division cellulaire; ces "erreurs" de reproduction s'accumulant auraient pour conséquence l'arrêt progressif du fonctionnement de l'organisme.

Les théories d'accumulation progressive ont été surtout expliquées par le biogérontologue Aubrey de Grey qui définit 7 causes majeures de sénescence qui sont presque toutes des phénomènes d'accumulation:

  1. L'atrophie et la perte de cellules
  2. Les mutations dans le noyau des cellules
  3. Les mutations dans les mitochondries
  4. La sénescence cellulaire
  5. Les liaisons qui se forment entre certaines protéines
  6. Les déchets extracellulaires
  7. Les déchets intracellulaires

Explication transversale: le vieillissement favorisé par la sélection naturelle

Toutes les théories citées sont presque certainement des éléments d'explication du vieillissement. La réalité biologique de la sénescence est donc la conséquence d'une conjonction de différents facteurs. Mais la compréhension des mécanismes de la sénescence n'est encore que la réponse à la question du "comment" plutôt qu'au "pourquoi" en termes biologiques.

Il reste à expliquer pourquoi la sélection naturelle a, toujours ou presque, choisi des espèces qui se dégradaient au bout d'un certain temps. Qu'est ce qui fait que la nature a choisi, de "recommencer à zéro" à chaque génération plutôt que de sélectionner des individus dont le système biologique permet l'entretien jusqu'à une disparition accidentelle?

A cela, la cause fondamentale citée la plus satisfaisante est que, sur le long terme (des milliers voire des millions d'années), les espèces qui ont peu de diversité génétique ont moins de chances de survie lors de modifications radicales de l'environnement naturel (éruptions, modifications de climat,...). Or, toutes choses étant égales par ailleurs, les animaux qui souffrent de vieillissement auront une plus grande diversité génétique puisque chaque génération est génétiquement différente de la précédente.

Le maintien de la diversité génétique peut donc être considéré comme la cause ultime de la reproduction sexuée puisque facilitant considérablement le mélange des gènes. Même si la reproduction asexuée est beaucoup plus fréquente dans la nature que la vie sans vieillissement, la raison finale en termes de sélection naturelle serait donc identique pour la reproduction sexuée et pour la mort par le vieillissement: c'est le maintien de la diversité génétique. Et, de cette manière, ceux qui affirment que le sexe et la mort sont indissociablement liés ont donc raison.

Mais chez l'être humain, bien sûr, sexe et reproduction sont moins liés qu'auparavant. Et peut-être qu'un jour, il en ira de même pour l'avancée en âge et le vieillissement.


La bonne nouvelle du mois: la capacité de régénération reste entière chez les tritons âgés

La capacité de régénération de certains batraciens est extraordinaire. Ainsi, les axolotls, placés dans un environnement protégé, peuvent notamment régénérer leurs pattes.

Jusqu'ici, les scientifiques estimaient que ces capacités de régénération diminuaient avec l'âge. Or, une expérience réalisée sur une longue période vient d'aboutir à une autre conclusion. Durant 16 années, des biologistes de l'université de Dayton (Ohio) ont retiré la cornée de tritons. Ces tritons étaient âgés de 14 ans environ au départ de l'expérience et donc de 30 ans, 16 années plus tard.

Les cornées qui ont repoussé après la 17ème et 18ème ablation sont de qualité identique à la cornée d'individus au début de l'expérience et à celle d'individus qui n'avaient pas subi d'ablation de la cornée.

Cette découverte est une avancée dans les recherches qui pourraient permettre un jour aux mammifères et, in fine à l'être humain, de régénérer bien plus que ce qui n’est actuellement possible.



- Pour en savoir plus de manière générale: http://sens.org/, http://imminst.org/, http://heales.org/ et http://immortalite.org/
- Pour en savoir plus à propos des théories du vieillissement, voir notamment http://en.wikipedia.org/wiki/Senescence: et http://fr.wikipedia.org/wiki/SENS
- Pour en savoir plus à propos de la régénération de la cornée chez les tritons: http://the-scientist.com/2011/07/12/repeated-regeneration/
- Pour réagir ou recevoir la lettre d'information: info@heales.org

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