jeudi 1 mai 2014

Plaidoyer progressiste et technoprogressiste du 1er mai pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue pour tous (Ceci n’est pas un tract électoral du 22ème siècle)


Toute personne a le droit (...) de participer aux progrès scientifiques et aux bienfaits qui en découlent. Article 27 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme.

Depuis le 1er mai 2013, l'espérance de vie en bonne santé a augmenté de près d'un trimestre dans le monde. La durée moyenne de la vie des hommes et des femmes en Belgique est maintenant de 80 ans. Des millions de citoyens de Belgique et du reste du monde qui seraient morts au cours des douze derniers mois sans progrès de santé et croissance économique coulent aujourd'hui des jours relativement paisibles.

Jusqu'à la première moitié du siècle passé au moins, le désir de progrès technique et le désir d'égalité sociale étaient liés. La gauche rêvait de lendemains qui chantent. Ces lendemains étaient faits de plus d'égalité, de plus de biens et d'un monde plus facile à vivre matériellement et technologiquement.

Aujourd'hui, malheureusement, les progressistes ne rêvent plus guère de progrès technique, sauf dans une certaine mesure pour les énergies renouvelables. C'est probablement dû notamment au traumatisme de l'échec de l'Union soviétique qui se réclamait du communisme et du progrès technique. Par ailleurs, le développement des pollutions et le réchauffement climatique ont mené beaucoup de progressistes à vouloir "renverser la vapeur" là où il fallait plutôt la purifier et donc orienter autrement. Il y a enfin la peur que les progrès augmentent les inégalités.

Pourtant, contrairement à ce que beaucoup pensent, l'accélération du bien-être est non pas moindre, mais plus grande dans les pays du Sud. La mortalité infantile qui était une source majeure de décès poursuit sa diminution. La pauvreté multidimensionnelle décroit rapidement.

Dans ce cadre de progrès humains globaux sans équivalent dans l'histoire de l'humanité, le téléphone mobile est passé en vingt ans du statut de bien de luxe à celui d'outil utilisé par la majorité des citoyens du monde. Un milliard de smartphones ont été vendus en 2013. Bien avant la fin de cette décennie, la majorité des citoyens devrait avoir accès à des mobiles connectés à internet. Une part énorme des connaissances collectives universelles sera accessible à une large majorité des habitants de la planète. Ceci pourra se faire presque sans coût et sans discrimination, surtout si les progressistes se mobilisent en faveur de progrès techniques pour tous.

Dans les développements à court et moyen terme, les (techno)progressistes pourraient exiger que chaque citoyen ait droit à un téléphone dit intelligent (avec des rayonnements faibles, mais avec des accès forts à des services collectifs). Ils pourraient proposer que Google et Wikipédia fonctionnent comme des services publics de plus en plus développés. Enfin, ils pourraient réfléchir à l'impact des imprimantes 3 D en termes d'accessibilité et de diffusion de biens.

Une gauche proactive devrait exiger des investissements publics importants pour permettre à tous de vieillir beaucoup moins. Aujourd'hui les différences entre espérances de vie au Sud et au Nord s'amenuisent. Mais si les résultats des recherches pour une meilleure santé et une vie plus longue ne sont pas publics, les progrès seront probablement d'abord réservés aux plus aisés, seuls capables de s'offrir les soins et de vivre là où la pollution et les particules fines sont moindres.

En 2014, les investissements publics en faveur de la longévité sont limités alors que Google et d'autres sociétés placent des sommes importantes et engagent des chercheurs renommés dans ce domaine. Cela crée un risque de renforcement des inégalités.

A l'inverse, chaque centime de financement public utilisé avec succès pour des progrès médicaux en matière de lutte contre les maladies liées au vieillissement peut bénéficier un jour à toute personne âgée. C'est donc l'investissement collectif le plus solidaire imaginable actuellement, un bénéfice potentiel pour des milliards de femmes et d'hommes sans distinction de nationalité, d'origine, de capacité financière,...

Une gauche favorable aux progrès devrait donc exiger des avancées technologiques collectives beaucoup plus rapides dans les domaines de la recherche médicale.

Il est vrai que ces progressions gigantesques ne résolvent pas (encore?) tous les problèmes de bien-être. Ceci s'explique notamment parce que l'abondance est un instrument insuffisant pour permettre le bonheur de tous. De plus, au-delà d'un certain niveau de confort matériel, la perception du bien-être se fait presque exclusivement par comparaison avec le niveau matériel des autres, lequel niveau progresse aussi. Il restera donc un jour à la gauche (et pas qu'à elle) à découvrir comment augmenter le bonheur dans une économie d'abondance où le lait et le miel couleront tellement à flot pour tous que cela ne suffira plus à nous satisfaire.

Pourquoi encore la gauche doit-elle être technoprogressiste? Pour développer l'égalité (radicale) du futur dans un monde où le travail tel que nous le connaissons sera de moins en moins nécessaire. Mais aussi parce que les progressions technologiques rapides comprennent des risques immenses dans les développements contemporains (pollutions, effets de serre, risques pour la vie privée, fracture numérique,...) mais également dans les développements à moyen terme. Ces risques, beaucoup moins souvent abordés, sont des risques existentiels liés à la maîtrise de plus en plus absolue de la structure du vivant, de la matière et peut-être à terme au développement de l'intelligence artificielle. Et le principe de précaution dans une société évoluant, ce n'est pas toujours arrêter les modifications technologiques, cela peut-être au contraire les accélérer pour sauver des vies et diminuer des risques.

Pour que le progrès technique ait le plus de chance d'être aussi un progrès tout court, pour que les lendemains extraordinaires soient aussi des lendemains qui chantent, un des éléments favorables est une gauche proactive, capable de faire primer paix, égalité, justice et souci du bien commun sur les intérêts financiers et matériels à court terme. Peu de politiques de gauche semblent l’avoir compris.

Il faut penser globalement pour agir localement. Il faut aussi penser à long terme pour agir à court terme. La question n'est plus de savoir si les progressions technologiques vont permettre une vie beaucoup plus longue en bonne santé, mais de réfléchir collectivement aux conséquences, de permettre à tous ceux qui le souhaitent de vivre plus longtemps et de maîtriser les risques. La science-fiction d'aujourd'hui, rêve ou cauchemar, voire plus probablement rêve et cauchemar, ne sera pas seulement la réalité de nos enfants, c'est aussi la nôtre.



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