"Évidemment nous devons notre survie sur la planète au
fait que ceux qui nous précèdent ont accepté de mourir sinon il y a une
surpopulation et un problème d'égoïsme à penser à soi et pas à laisser les
générations futures prendre le relais." Pierre Le Coz, vice-président du Comité consultatif
national d'éthique, président du comité de déontologie et prévention du conflit
d’intérêt. Une déclaration anti-longévité pour le moins étrange qui semble postuler
que les générations précédentes se sont systématiquement suicidées en fin de
vie.
Thème du mois : Les maladies neurodégénératives
Les maladies liées aux
dégradations progressives du système neuronal sont, de toutes les maladies
liées au vieillissement, celles pour lesquelles les progrès de nos
connaissances scientifiques et thérapeutiques sont les plus lentes. Suite
notamment à cela, le nombre de victimes croît partout dans le monde
particulièrement là où la moyenne d'âge de la population croît le plus vite.
Sous le terme "maladies
neurodégénératives", on regroupe diverses affections. Les plus connues
sont la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson. La maladie d'Alzheimer est
en fait, de très loin, le mal qui touche le plus de personnes âgées. C'est
pourquoi dans la présente lettre, c'est principalement elle qui sera abordée.
Ce qui est le plus connu du
grand public, ce sont les conséquences de la pathologie. Au fur et à mesure de
l'avancée en âge, la personne atteinte perd ses capacités cognitives.
L'évolution est très progressive débutant généralement par une perte de mémoire
des évènements les plus récents, se poursuivant par une diminution des
capacités à effectuer les actes de la vie quotidienne et se terminant par une
impossibilité pour le cerveau d'assurer les fonctions vitales et donc par la
mort. La période de vie après la constatation de la maladie varie mais dépasse
rarement dix ans.
La maladie d'Alzheimer et d'autres
formes de démence ont un aspect particulièrement déroutant et angoissant. Ce
que souhaite peut-être le plus l'être
humain, c'est le maintien de la
conscience. En quelque sorte, nous habitons notre corps. Dans la maladie
d'Alzheimer, ce n'est pas le corps qui semble renoncer à se conserver, c'est d'abord
la conscience qui s'efface lentement mais inexorablement.
La maladie d'Alzheimer est liée à une
dégradation physique du cerveau. C'est la présence excessive et la dégradation
de certaines protéines qui provoquent la maladie. Il y a deux aspects
principaux: la formation d’agrégats de protéines appelés plaques séniles ou
plaques amyloïdes et la dégénérescence de cellules nerveuses dans certaines
zones du cerveau. Aux stades avancés de la maladie, le cerveau se contracte
considérablement. L'évolution physique
de la maladie est assez bien connue et étudiée pour ce qui concerne les
animaux. En effet, des souris atteintes d'une affection génétique proche de la
maladie d'Alzheimer humaine sont étudiées en laboratoire. Chez ces animaux, des
troubles cognitifs sont aussi observés par exemple une moindre capacité à la
mémorisation.
Pour les êtres humains, l'évolution physique
de la maladie est moins bien connue que pour les souris. Ce paradoxe est dû au
fait que les souris peuvent être sacrifiées avant que la maladie ait atteint un
stade avancé alors que pour les hommes, ce n'est évidemment pas possible. Les
cerveaux humains observés sont donc ceux de personnes gravement atteintes sauf
lorsque les patients sont décédés d'une cause autre que la maladie d'Alzheimer.
Aurons-nous
tous une maladie neurodégénérative si nous vivons suffisamment longtemps (en
l'absence de progrès médicaux) ?
Il est certain que la prévalence de la maladie
augmente rapidement avec l'âge. Elle touche environ 5 % de la population à
partir de 65 ans et au moins 30 % des personnes âgées de 85 ans et plus, Pour
les centenaires, au moins la moitié des personnes souffrent d'une maladie
neurodégénérative mais il n'est pas établi que le pourcentage continue à
croître pour les personnes les plus âgées. Cependant, même à supposer que le
pourcentage se stabilise pour les plus âgés, il est en tout cas certain qu'en
l'absence de progrès thérapeutiques, vu l'allongement de la durée de la vie, la
probabilité d'en être atteint croit inexorablement.
De plus, il faut remarquer que le nombre de
personnes atteintes de la maladie de Parkinson et, dans une moindre mesure,
d'autres maladies neurodégénératives augmente également avec l'âge.
Des
causes multiples
L'origine de la maladie n'est pas réellement
connue. En dehors de l'âge, de nombreux autres éléments semblent entrer en
ligne de compte mais aucun ne joue un rôle important indiscutable.
- Sexe. Les femmes sont plus souvent atteintes que les hommes mais cela pourrait être lié exclusivement à leur plus longue espérance de vie.
- Héritabilité. Le risque est accru pour les personnes ayant des parents qui ont été atteints. Certains gènes indiquent une prédisposition à la maladie. Mais, dans la majorité des cas, la cause génétique n'est qu'un élément parmi d'autres.
- Activités intellectuelles et physiques, état psychologique. Il semble établi que l'exercice d'activités et, une fois le début des signes de la maladie, le maintien, autant que possible de ces activités, a un rôle au moins retardateur de la maladie. Il en irait de même pour l'éducation et le bien-être psychologique. Cependant, en ce qui concerne les études statistiques à ce sujet, il y a toujours un risque de constater ce qui n'est qu'une corrélation pas une cause. Il se pourrait par exemple en l'espèce que les personnes qui souffrent ou souffriront de la maladie d'Alzheimer aient moins tendance à être physiquement et intellectuellement actives et soient moins heureuses.
- Effets de l'environnement. Selon certains, la pollution notamment les particules fines, l'aluminium et le mercure, pourraient joue un rôle. Ceci pourrait expliquer que les pourcentages de personnes atteintes sont très différents selon le lieu de résidence. Il faut par contre être circonspect en ce qui concerne l'augmentation de cas mesurée dans le temps à âge égal. Hier, on parlait de la "grand-mère qui est distraite" et de "la vielle tante qui n'a plus toute sa tête". Aujourd'hui on diagnostiquera la maladie d'Alzheimer à un stade précoce pour la grand-mère et à un stade avancé pour la vieille tante.
Pour certains, les facteurs cités ne sont en fait que des facteurs accélérants ou retardateurs. Dans cette analyse, tout être humain vivant suffisamment longtemps finira par développer la maladie. Selon d'autres, une partie de la population ne développe pas de pathologie. En tout cas, un certain nombre de supercentenaires (personnes ayant atteint plus de 110 ans) vivent sans Alzheimer.
Dans un certain nombre de cas encore peu compris, il a été constaté après le décès que le cerveau présentait les signes de la maladie d'Alzheimer alors que la personne ne souffrait pas ou peu de troubles cognitifs. Le cas contraire s'est aussi présenté à savoir des patients souffrant apparemment de la maladie mais ayant un cerveau n'en présentant pas les signes physiologiques. Ceci illustre la complexité de la maladie mais aussi les extraordinaires capacités de résilience du cerveau lors de certaines lésions.
Dans un certain nombre de cas encore peu compris, il a été constaté après le décès que le cerveau présentait les signes de la maladie d'Alzheimer alors que la personne ne souffrait pas ou peu de troubles cognitifs. Le cas contraire s'est aussi présenté à savoir des patients souffrant apparemment de la maladie mais ayant un cerveau n'en présentant pas les signes physiologiques. Ceci illustre la complexité de la maladie mais aussi les extraordinaires capacités de résilience du cerveau lors de certaines lésions.
Des
pistes de traitement
Malgré des recherches nombreuses, la ou les
raisons du déclenchement de la maladie ne sont pas connues. A ce jour, aucun
médicament n'est disponible qui puisse réduire de manière importante l'effet de
la maladie pour les sujets déjà atteints. Les produits actuellement déjà
utilisés ne font que palier aux conséquences du mal, par exemple des
antidépresseurs.
Les pistes à l'étude pour venir à bout de la
maladie sont:
- L'utilisation de certaines substances. Des tests portant sur d'innombrables substances sont en cours. Malheureusement à ce jour, certains résultats prometteurs chez les souris n'ont pas été confirmés chez l'homme.
- La vaccination et l'injection d'anticorps ayant pour effet de lutter contre les protéines néfastes avait donné des résultats prometteurs sur les souris mais a donné peu ou pas de résultats pour des patients humains.
- La création d'inhibiteurs de la dégradation des protéines a aussi été tentée. Les tests sur les êtres humains ont permis quelques résultats mais seulement dans le cadre d'une stabilisation temporaire de la maladie.
- En ce qui concerne les thérapies génétiques et l'utilisation de cellules souches, les avancées ne sont pas importantes actuellement. Les expériences déjà effectuées pour ce qui concerne la thérapie génique ont été des échecs.
Les maladies neurodégénératives en général et la maladie d'Alzheimer en particulier illustrent combien la lutte contre le vieillissement est un domaine complexe. A ce jour, des centaines d'essais cliniques sont en cours dont des dizaines sur des êtres humains. Le traitement n'est ni pour demain ni pour après-demain. Il faudra la combinaison de sommes considérables et d'une imagination extraordinaire à moins que la maladie soit attaquée indirectement suite à d'autres progrès ayant des implications médicales (nanorobots capables de détruire des protéines nuisibles par exemple).
La valeur ajoutée en termes de relations humaines, de bonheur et de progrès dans ce domaine serait cependant encore bien plus gigantesque que les sommes investies.
La valeur ajoutée en termes de relations humaines, de bonheur et de progrès dans ce domaine serait cependant encore bien plus gigantesque que les sommes investies.
La bonne nouvelle du
mois : création d'un parti pour la longévité en Russie
Le premier parti politique en faveur de l'augmentation de la
longévité grâce aux progrès médicaux est en cours de création en Russie. Dans
ce pays immense où l'espérance de vie a chuté de manière énorme,
particulièrement pour les hommes durant les années 80, 90 et le début des
années 2000, un mouvement a pris le nom de parti de la longévité (Партия
продления жизни).
Bien sûr, la question de la durée de vie en bonne santé n'est
pas la seule question importante dans la société russe ou mondiale. Mais que
des citoyens se mobilisent pour sensibiliser l'ensemble de l'opinion publique sur
ce thème est positif. C'est d'autant plus positif que l'accent est notamment
souvent mis sur l'accessibilité pour tous des progrès médicaux.
Pour en savoir plus
:
- De manière générale: http://heales.org, http://longecity.org, http://sens.org et http://immortalite.org
- Plus d'information à propos de la maladie d'Alzheimer notamment: http://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_d%27Alzheimer et http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/alzheimer.htm
- Parti russe de la longévité: https://www.facebook.com/groups/longevity.party/
- Source de la citation: (source http://www.rfi.fr/emission/20120807-2-mort-mort-rediffusion, rediffusion d'une émission du 15 juillet 2011):
- Source de l'image: http://en.wikipedia.org/wiki/File:Auguste_D_aus_Marktbreit.jpg (Auguste Deter, la première patiente reconnue comme ayant la maladie d'Alzheimer)