jeudi 2 mai 2013

Plaidoyer progressiste et technoprogressiste pour une vie en bonne santé beaucoup plus longue pour tous (1er mai 2013)


L'Humanité se décrit par ses franchissements de frontière, des choses qui paraissaient impensables. (…) Et Gagarine lui a franchi cette frontière de l'espace. Lorsque nous avons contrôlé, lorsque les femmes ont pu contrôler leur fécondité, c'était une frontière. Ce qui était autrefois une condition biologique a cessé d'être une servitude. Demain nous vaincrons la mort.  Jean-Luc Mélenchon, 12 janvier 2012, Des paroles et-des actes.

Depuis le 1er mai 2012, l'espérance de vie en bonne santé a augmenté d'environ un trimestre en Belgique et de près cinq mois au Bangladesh. La durée moyenne de la vie des hommes et des femmes en Belgique est maintenant de 80 ans. Des millions de citoyens de Belgique et du reste du monde qui seraient morts au cours des douze derniers mois sans progrès de santé et croissance économique coulent aujourd'hui des jours relativement paisibles.

Jusqu'à la première moitié du siècle passé au moins, le désir de progrès technique et le désir d'égalité sociale étaient liés. La gauche rêvait de lendemains qui chantent. Ces lendemains étaient faits de plus d'égalité, de plus de biens et d'un monde plus facile à vivre matériellement et technologiquement.

Aujourd'hui, les progressistes ne rêvent plus guère de progrès technique. C'est probablement dû notamment au traumatisme de l'échec de l'Union soviétique qui se réclamait du communisme et du progrès technique. Il y a aussi la peur que les progrès augmentent les inégalités. Et plus récemment, le développement des pollutions a mené beaucoup de progressistes à vouloir "renverser la vapeur" là où il fallait plutôt la purifier et donc orienter autrement.

Aujourd'hui, en termes d'abondance, les lendemains ont chanté largement. Contrairement à ce que beaucoup affirment, l'accélération est non pas moindre, mais plus extraordinaire encore dans les pays du Sud. La mortalité infantile qui était une source majeure de décès poursuit sa diminution. La pauvreté multidimensionnelle diminue rapidement dans les pays du Sud.

Dans ce cadre de progrès humains globaux sans équivalent dans l'histoire de l'humanité, le téléphone mobile est passé en vingt ans du statut de bien de luxe à celui d'outil utilisé par la majorité des citoyens du monde. Avant la fin de cette décennie, la majorité des citoyens devrait avoir accès à des mobiles connectés à internet. Une part énorme des connaissances collectives universelles sera accessible à une large majorité des citoyens du monde. Ceci pourra se faire presque sans coût et sans discrimination surtout si les progressistes se mobilisent en faveur de progrès techniques pour tous.

Dans les développements à court et moyen terme, les (techno)progressistes pourraient exiger que chaque citoyen ait droit à un téléphone mobile (avec des rayonnements faibles, mais avec des accès forts à des services collectifs). Ils pourraient proposer que Google, Wikipédia fonctionnent comme des services publics de plus en plus développés. Enfin, ils devraient réfléchir à l'impact des imprimantes 3 D en termes d'accessibilité et de diffusion de biens.

Une gauche proactive pourrait exiger des investissements publics importants pour permettre à tous de vieillir beaucoup moins. Aujourd'hui les différences entre espérances de vie au Sud et au Nord s'amenuisent. Mais si les résultats des recherches pour une meilleure santé et une vie plus longue ne sont pas mis à disposition de tous, les progrès seront d'abord réservés aux plus aisés, seuls capables de s'offrir les soins et de vivre là où la pollution et les particules fines sont moindres.

Une gauche favorable aux progrès pourrait plus globalement réclamer des investissements technologiques collectifs plus importants dans les domaines médicaux, de diffusion des connaissances et de gestion des énergies.

Dans le domaine énergétique heureusement, les écologistes et la gauche sont généralement (techno)progressistes. Mais même dans ce domaine, les résistances de certains se prétendant de gauche sont nombreuses luttant par exemple contre les moulins à vent dans leur petit pré carré.
Les avancées fantastiques ne résolvent pas (encore?) tous les problèmes de bien-être. Ceci s'explique notamment parce que l'abondance est un instrument insuffisant pour permettre le bonheur de tous. De plus, au-delà d'un certain niveau de confort matériel, la perception du bien-être se fait presque exclusivement par comparaison avec le niveau matériel des autres, lequel niveau progresse aussi. Il reste donc à la gauche (et pas qu'à elle) à découvrir comment augmenter le bonheur dans une économie d'abondance où le lait et le miel, symboles d'abondance et de bonheur, coulent tellement pour tous que cela ne nous satisfait plus.

Pourquoi encore la gauche doit-elle être technoprogressiste? Pour développer l'égalité du futur. De plus, les progressions technologiques rapides comprennent des risques immenses  dans les développements en cours souvent abordés (pollutions, effets de serre, risques pour la vie privée, fracture numérique,...), mais également dans les développements à moyen terme. Ce sont des risques existentiels liés à la maîtrise de plus en plus absolue de la structure du vivant, de la matière et peut-être à terme au développement de l'intelligence artificielle. Et le principe de précaution dans une société évoluant, ce n'est pas toujours arrêter les modifications technologiques, cela peut-être au contraire les accélérer pour sauver des vies et diminuer des risques.

Pour que le progrès technique ait le plus de chance d'être aussi un progrès tout court, pour que les lendemains extraordinaires soient aussi des lendemains qui chantent, un des éléments favorables est une gauche proactive, capable de faire primer paix, égalité, justice et souci du bien commun sur les intérêts financiers et matériels à court terme. Peu de politiques de gauche semblent l’avoir compris.

Il faut penser globalement pour agir localement. Il faut aussi penser à long terme pour agir à court terme. La question n'est plus de savoir si les progressions technologiques vont permettre une vie beaucoup plus longue en bonne santé, mais de réfléchir collectivement aux conséquences, de permettre à tous ceux qui le souhaitent de vivre plus longtemps et de maitriser les risques. La science-fiction d'aujourd'hui, rêve ou cauchemar, voire plus probablement rêve et cauchemar, ne sera pas seulement la réalité de nos enfants, ce sera aussi la nôtre.




Pour en savoir plus:

Ce texte est une version actualisée d'un texte distribué à la fête du 1er mai depuis 2009. Rendez-vous le 1er mai 2014!



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