Citation du mois: Do not die (Ne pas mourir). C'est la
réponse de Bill Gates lors d'une interview le 13 février 2013, en réponse à la
question : Anything left on your
bucket list? (Vous reste-t-il des souhaits non réalisés?)
Thème
du mois: Longévité et déclin de la violence.
L’être
humain n'est pas -et de loin- la seule espèce qui pratique la violence allant
jusque la suppression d'individus de son espèce. C'est une pratique courante
pour de nombreux mammifères. Les deux espèces les plus proches de l'homme sont
le chimpanzé et le bonobo. La première espèce pratique ce que l'on pourrait
appeler l’ancêtre du génocide : lorsque deux groupes inégaux
d'individus s'affrontent dans la forêt équatoriale, un groupe peut éliminer
totalement l'autre.
Dans
ce domaine comme dans d'autres, ceux qui pensent se souvenir du bon vieux temps
ont tort. Depuis le commencement de l'histoire de l'humanité, les humains ont
usé de violence les uns envers les autres. Il y a même une forte probabilité,
mais pas une certitude, que cela ait été un facteur important de la disparition
d'une espèce d'hominidé qui était supérieure à nous, notamment par la taille de
son cerveau, l'homme de Néandertal. Les hommes ont été violents de tout temps.
Le terme "homme" peut d'ailleurs être utilisé dans ce contexte non pour
l'ensemble de l'espèce humaine mais principalement pour les individus mâles. La
violence aboutissant à des lésions et à la mort des adversaires est et reste en
effet beaucoup plus courante chez les hommes que chez les femmes (environ 90 %
des meurtres).
La
mise à mort des adversaires, des concurrents ou simplement des individus
différents était beaucoup plus fréquente, au moins en temps de paix, par le
passé qu'aujourd'hui. Dans certains groupes humains de petite taille, les morts
suite à des affrontements pouvaient concerner 50 % des individus mâles.
Aujourd'hui,
les morts violentes, particulièrement dans les pays riches, sont devenues
beaucoup moins fréquentes. La femme ou l'homme ne peut plus être tué
volontairement sous aucun prétexte. En temps de paix, la mise à mort n'est plus
admise entre individus ni par l'État sauf dans les cas de légitime défense,
Souvent, nous ne percevons pas cette évolution positive parce que, en même
temps que la violence diminue, elle est plus médiatisée et nous parait de plus
en plus inacceptable. Il est donc utile de se remémorer que des expressions
comme "Ce lieu est un coupe-gorge" étaient à comprendre littéralement
il y a quelques siècles alors que les meurtres pour faciliter le vol sont
aujourd'hui très rares.
Cette
évolution positive a des causes culturelles et sociales variées. Elle
s'explique notamment parce que l'évolution culturelle fait de la vie humaine un
bien de plus en plus précieux, parce qu'éliminer un adversaire n'est plus utile
à notre survie et parce que, dans nos sociétés de plus en plus interdépendantes
et mixtes, l'autre est de moins en moins étranger.
Une
autre des raisons de cette évolution est l'âge moyen des citoyens, hommes et
femmes. La courbe de criminalité et d'usage de la violence varie en effet selon
l'âge. Pour les actes de délinquance violents, les périodes de la vie les plus
dangereuses se situent aux alentours de la fin de l'adolescence et au tout
début de l'âge adulte. Après, très rapidement, la violence décroît. Cette décroissance
ne se produit pas parce que les gens plus âgés deviennent incapables d'être
violents, mais parce que l'apprentissage de la vie sociale assure un respect
plus grand des règles. Une société à la moyenne d'âge plus élevée est donc une
société moins violente.
Par
ailleurs, plus les causes de décès prématurés sont nombreuses, moins la vie
humaine est précieuse. Moins une personne vit longtemps, moins nous avons du
temps et des raisons matérielles et psychologiques de nous respecter, de nous
attacher et de nous protéger les uns les autres. Ainsi, il y a quelques
générations encore, une part importante des enfants mouraient en bas âge
et l'infanticide faisait l'objet d'une moindre condamnation morale que les
meurtres "ordinaires". Lorsque les décès en bas âge étaient courants,
les mères, et plus encore les pères, s'attachaient nettement moins aux
nourrissons et jeunes enfants.
Nous
pouvons supposer que, si demain, la mort par vieillissement devient un
phénomène rare et lointain, la progression en matière de respect de la vie
humaine sera spectaculaire, particulièrement si les relations entre individus
sont marqués par le respect de l'autonomie de chacun. Aujourd'hui, tuer, c'est
simplement avancer un décès inévitable à terme de maximum environ un siècle.
Demain, cela pourra devenir commettre un acte irréparable et mettre fin à une
durée de vie indéterminée.
Une vie en bonne santé beaucoup
plus longue peut donc être une garantie d'effet de pacification pour trois
raisons différentes, mais qui se rejoignent:
- Parce que la délinquance violente est moins le fait des hommes murs que des hommes jeunes;
- Parce que la vie humaine devient beaucoup plus longue et donc beaucoup plus précieuse;
- Parce que lorsque la vie humaine est beaucoup plus longue, nous avons beaucoup plus de temps pour nous apprécier, nous respecter.
Les lignes qui précèdent
décrivent des aspects positifs des évolutions sociales, culturelles et
technologiques. Mais un autre aspect important doit malheureusement également
être souligné. En même temps que la vie humaine devient plus précieuse, jamais
dans l'histoire de l'humanité, il n'a été aussi facile de se détruire les uns
les autres. Les progressions technologiques permettent de protéger toujours
plus les individus, mais les développements potentiels d'utilisations
destructrices des connaissances et des technologies sont également
gigantesques. Tout ce qui permet aux femmes et plus encore aux hommes d'être
plus enclins au respect des autres, d'être passivement et activement
non-violents et tout ce qui fait des hommes et des femmes des êtres plus
"solides", plus "résilients" pourrait se révéler
fondamental pour l'avenir de l'humanité.
La bonne nouvelle du mois: création d'une
fondation pour la lutte contre le vieillissement
Un groupe de milliardaires
a créé une fondation qui octroie une récompense appelée Breakthrough Prize in
Life Sciences (Prix des avancées capitales dans les sciences de la vie). Onze
scientifiques ont reçu chacun trois millions de dollars pour leurs découvertes
permettant notamment d'allonger la durée de la vie humaine. Ce prix est financé
par divers mécènes dont le cofondateur de Google, Sergey Brin, et le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg.
Il s'agit du prix
le plus important jamais créé dans ce domaine. À la différence de nombreuses
recherches financées par des sociétés pharmaceutiques ou médicales, les
lauréats n'ont pas d'obligation liée à l'obtention de la somme d'argent. Les
lauréats sont cependant encouragés à donner des conférences. Mais celles-ci
seront accessibles à tous sur le site internet de la fondation et pourront donc
contribuer à l'élargissement et à la diffusion des connaissances en matière de
longévité.
Pour
en savoir plus :
·
De
manière générale: http://heales.org, http://longecity.org, http://sens.org et http://immortalite.org
·
A propos de la fondation : http://breakthroughprizeinlifesciences.org et http://www.guardian.co.uk/science/2013/feb/20/breakthrough-prize-silicon-valley-entrepreneurs (en
anglais)
·
Le thème de la violence et de la longévité est abordé dans le
livre "Et si on arrêtait de
vieillir. Réalité, enjeux et perspectives d'une vie en bonne santé beaucoup
plus longue".
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