Aujourd'hui, la vie commence à 70 ans. Trente années ont été ajoutées à
notre espérance de vie en une génération. (...) Les investissements dans la
recherche, la science et l'innovation que nous faisons maintenant, définiront
le type de soins et les possibilités que nous nous-mêmes et les générations
futures peuvent se permettre.
C'est pourquoi l'Union européenne a investi plus de 526 millions d'euros dans les recherches de santé relatives au vieillissement. Carlos Moedas, Commissaire européen en charge de la Recherche, de la Science et de l'Innovation. 9 Mars 2015.
C'est pourquoi l'Union européenne a investi plus de 526 millions d'euros dans les recherches de santé relatives au vieillissement. Carlos Moedas, Commissaire européen en charge de la Recherche, de la Science et de l'Innovation. 9 Mars 2015.
Thème du mois: Longévité, fragilité et mythe de Tithon
Lorsqu'ils abordent la lutte contre les
maladies liées au vieillissement, les scientifiques décriront des recherches
permettant une longévité accrue, une vie plus longue en bonne santé ou des
processus de réjuvénation.
Intuitivement, un citoyen non impliqué dans
le domaine médical parlera plutôt de vieillir plus longtemps ou affirmera qu'il
ne tient pas spécialement à vouloir dépérir ou se dégrader plus longtemps.
Ces descriptions expriment bien la
profonde croyance de nombreuses personnes que vivre plus longtemps
comprend nécessairement un processus peu agréable, souvent envisagé comme à
peine meilleur voire pire que le vieillissement dit "naturel".
La mention de la dissociation entre longévité
et santé est illustrée dès la mythologie grecque. Eos, déesse de l'Aurore, demande
à Zeus de donner à Tithon, prince troyen d'une grande beauté l'immortalité.
Mais Zeus omet de lui donner l'éternelle jeunesse. Tithon se dégrade donc alors
inexorablement.
D'où vient cette conception très souvent entendue et pourtant incorrecte?
Le premier déterminant actuel de la fragilité
pour les femmes et les hommes est l'écoulement du temps donc l'âge. Rien ne
permet encore de renverser le processus de dégénération, nous ne pouvons que le
ralentir. Il peut être logique de s'imaginer qu'une vie plus longue
correspondra à une dégradation plus avancée.
Etant donné que les processus de dégénération
sont aujourd'hui inévitables, nous avons tendance à considérer qu'une personne
qui apparemment vieillit peu, se dégrade quand même, mais de manière moins
visible. De plus, souvent un aspect de croyance morale est présent. Il est
"équitable" que ceux qui vivent plus longtemps souffrent aussi et il
est "mal" de vouloir échapper à la mort. Ce serait faire de la
démesure, de "l'hybris". Ceci est donc "puni par la nature",
par une poursuite de la décrépitude.
Notre vocabulaire n'envisage pas une avancée
en âge d'êtres vivants sans dégradation. Vieillir, dans le langage commun, c'est
s'endommager. Lorsque nous disons que quelqu'un ou quelque chose prend de l'âge,
à de très rares exceptions près, nous pensons à des mécanismes de
détérioration. Seul le mot "immortalité" a partiellement le sens
envisagé de longévité sans dégradation. Cependant, le terme vise aussi le
concept d'indestructibilité et il a de nombreuses implications religieuses
et philosophiques. Il s'éloigne donc des aspects médicaux.
L'herbe est toujours plus verte dans le champ
du voisin. Elle tend aussi à toujours être plus verte dans nos souvenirs que
dans notre réalité quotidienne. Ainsi, nous garderons de notre grand-mère
aujourd'hui décédée un souvenir idéalisé. De plus, souvent nos parents et nos
grands-parents tenaient à donner autant que possible d'eux-mêmes une image
"fraiche et joyeuse".
Enfin, beaucoup estiment que des traitements médicaux
nouveaux amènent à ce que des personnes âgées soient gardées en vie grâce à des
méthodes trop techniques et artificielles qui sont responsables d'une moindre
qualité de vie.
Mais vivre plus longtemps en bonne santé, c'est réellement gagner des
années de vie de qualité.
Les études sur la durée de vie sont plus
précises que celles sur la durée de vie en bonne santé. La presse relève
souvent des évolutions à la baisse des indicateurs de vie en bonne santé, mais
ne se fait que rarement l'écho des périodes de progression. Cependant, il
apparait tout de même des statistiques que, globalement, la majorité des années
de vie supplémentaires gagnées sont des années en bonne santé.
Pour certaines affections, l'état de santé va
même s'améliorant par rapport à autrefois, sans que cela ait une grande
influence sur la durée de vie. Dans ces cas, c'est donc plus de la qualité de
vie qui est obtenue que de la quantité. Ainsi, il y a beaucoup moins de
personnes se servant d'une canne ou atteintes de rhumatismes et de sciatique
qu'auparavant, ce qui permet des années de mobilité accrue.
Les progrès technologiques, mais aussi
sociaux, sanitaires et de gestion de la santé permettent des avancées
considérables en matière de sécurité et de sentiment de sécurité. Les
législations relatives à l'accompagnement des personnes âgées et les
connaissances à ce sujet s'étendent. Le développement, complémentaire aux
rapports humains, des applications mobiles et de la robotique est en train de
permettre très rapidement un accompagnement automatisé de plus en plus performant
et rassurant. Ces mécanismes de surveillance plus perfectionnés peuvent aussi
être moins invasifs. Les personnes concernées (ou leurs familles) peuvent déterminer
plus de paramètres (par exemple les périodes avec ou sans surveillance) et se
sentir plus libres.
Pour aller plus loin
Il est cependant un domaine où, malgré des
recherches non négligeables, la vie devient plus longue avec des gains de
bien-être réduits, c'est celui des maladies neuro-dégénératives,
particulièrement la maladie d'Alzheimer. Il faut faire remarquer que la
majorité des victimes de ces maladies seront, presque jusqu'à leur mort, trop
pauvres pour pouvoir recevoir une aide médicale, matérielle ou psychologique
autre que familiale. Pour gagner des années de vie en meilleure santé partout
dans le monde, des recherches fondamentales et appliquées plus intenses et plus
nombreuses sont nécessaires. Il y va de la qualité de vie de millions de femmes
et d'hommes âgés victimes de ces terribles affections.
Plus largement, la vieillesse, c'est, au sein
de notre corps, un déséquilibre progressivement croissant entre mécanismes de
réjuvénation et processus de dégénération. Les produits nouveaux, les thérapies
géniques, les recherches en matière de mécanismes de réjuvénation, les
nanotechnologies et d'autres champs médicaux que nous ne faisons encore
qu'effleurer en 2015 nous permettent d'envisager de réduire ce déséquilibre,
voire un jour de le renverser. Dans tous ces domaines, il s'agit beaucoup plus
d'ajouter des années de vie en bonne santé que de prolonger une existence
dégradée.
La nouvelle du mois : Google Ventures investit des centaines de millions
de dollars en recherches pour la longévité
Bill
Maris, dirigeant de Google Ventures a annoncé que sa société investirait 425
millions de dollars en 2015 pour financer des recherches de sociétés voulant
ralentir ou renverser le vieillissement et donc augmenter l'espérance de vie.
Cette
initiative s'ajoute aux autres projets de Google liés aux recherches en matière
de longévité à savoir:
- Google Calico, entreprise de recherche concernant le vieillissement
qui a notamment engagé la célèbre chercheuse Cynthia Kenyon;
- Google Genomics, plate-forme informatique de stockage, partage et
traitement de séquençage ADN;
- Baseline study, projet de séquençage de l'ADN de centaines de personnes pour déterminer ce qu'est le génome d'un être humain en bonne santé.
Pour en savoir plus:
· Déclaration du commissaire européen Carlos Moedas (en anglais): ec.europa.eu/commission/2014-2019/moedas/announcements/life-begins-70_en
· Lettre antérieure de mars 2014 sur un sujet proche; utopianchronicles.blogspot.be/2014_04_01_archive.html
·
Enquête du Lancet "Global Burden of disease": www.thelancet.com/themed/global-burden-of-disease
· Nouveaux investissements de Google Ventures (en anglais): www.bloomberg.com/news/articles/2015-03-09/google-ventures-bill-maris-investing-in-idea-of-living-to-500
· Autres projets de Google (en anglais): www.calicolabs.com, cloud.google.com/genomics/ et en.wikipedia.org/wiki/Baseline_Study
· Source
de l'image:
www.bbc.co.uk/arts/yourpaintings/artists/gregorio-lazzarini/paintings/slideshow
(Aurora et Tithon par Gregorio Lazzarini)
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