Il est bien des
merveilles en ce monde, il n'en est pas de plus grande que l'homme (...) Bien
armé contre tout, il ne se voit désarmé contre rien de ce que peut lui offrir
l'avenir. Contre la mort seule, il n'aura jamais de charme permettant de lui
échapper, bien qu'il ait déjà su, contre les maladies les plus opiniâtres,
imaginer plus d'un remède. Sophocle. Antigone. 441 avant J.-C.
Aucun ballon ni aucun aéronef ne sera jamais un succès. Lord Kelvin (le physicien ayant
donné son nom au degré Kelvin) en 1902, répondant à la question de savoir si un
engin volant pourrait un jour traverser l'Atlantique.
Thème du mois: Eurosymposium on Healthy ageing 2014,
rencontres internationales pour la longévité.
rencontres internationales pour la longévité.
Du 1er au 3
octobre 2014, à l'initiative de l'organisation Heales (Healthy Life Extension
Society) qui publie cette lettre, des spécialistes internationaux de la
longévité se sont rencontrés au sein de la bibliothèque royale de Belgique. Il
s'agissait du deuxième évènement de ce type (le premier s'étant déroulé en
2012).
Ci-dessous sont
résumés les aspects les plus importants des exposés. Tous les espoirs, les
craintes et les projets des personnes qui se sont exprimées ne peuvent être
restitués mais la majorité des interventions (en anglais) peuvent être écoutées
en ligne sur le canalYouTube de Heales.
Des
produits pour une vie plus longue
La chercheuse américaine Holly Brown-Borg a
reçu de Heales le "Distinguished Research Award" 2014 pour son
travail sur les souris naines, l'hormone de croissance et la restriction
de méthionine. Son travail démontre qu'en laboratoire, l'espérance de vie de
ces animaux peut être améliorée nettement grâce à l'absorption d'une seule
substance.
Plus largement, les recherches sur des souris
et même sur des femmes et des hommes prouvent que des produits, médicaments ou
autres, ingérés en petite quantité, ont une influence bénéfique nette. Cette
influence positive concerne la durée globale de la vie mais aussi l'état de
santé global au cours de l'existence. Autrement dit, il ne s'agit pas seulement
d'ajouter des années à la vie, mais aussi d'ajouter de la vie aux années.
L'aspirine et la metformine, à doses modérées,
font partie des médicaments courants pouvant avoir des effets globalement
positifs y compris pour des personnes en bonne santé. Selon quelques
chercheurs optimistes, des produits combinés pourraient un jour permettre des
gains considérables de l'espérance et de la qualité de vie, non pas
seulement des personnes malades, mais aussi des adultes en parfaite santé. Pour
le vérifier, des essais sur des souris sont d'abord nécessaires afin de
sélectionner les substances les plus prometteuses. L'idéal pour obtenir des
résultats rapides serait d'effectuer les expérimentations sur des souris déjà
âgées, c'est-à-dire des souris d'environ 18 mois (une souris en captivité vit
rarement plus de 3 ans). Edouard Debonneuil, allié à des associations et des
chercheurs plaide pour une campagne de tests larges et solide sur des
souris afin de découvrir quels produits, mais aussi quelles variations
génétiques sont prometteurs de longévité accrue.
La biologie du vieillissement ne se limite cependant
pas aux produits et aux variations génétiques. L'avancée en âge comprend des mécanismes
d'une incroyable complexité. Les effets sur le long terme sont difficiles à
saisir. Ce qui est annoncé comme bon aujourd'hui peut être démenti dans six mois. Andreas
Simms nous l'a rappelé avec les très dénoncés AGE (Advanced Glycation
End-products, résultats de la "caramélisation" lente des molécules).
Ses résultats chez la souris suggèrent, de manière surprenante, qu'en absorber pourrait
éviter le développement de certains cancers. Mais Williams Bains et Sven
Bulterijs nous indiquent que les effets des AGE sont multiples, confus, et que
les mesures de ces composés dans le corps comportent de nombreuses incertitudes.
Des
causes multiples au vieillissement
Côté épidémiologique, les immunologistes tels
que Graham Pawelec et Catharina Mathei, démontrent qu'une variable qui ne fait
pas à proprement parler partie des mécanismes du vieillissement a une
importance non négligeable. Il s'agit du cytomégalovirus (CMV), un virus
porté par des milliards de personnes dans le monde mais présent en plus
grande proportion chez les personnes âgées et dans les pays moins développés.
Dans la plupart des cas, le virus est "dormant" et donc a peu
d'effets négatifs visibles. Néanmoins n'est-il pas globalement nuisible de
manière insidieuse et lente? Ne serait-il pas bon de
se débarrasser de ces organismes aux frontières du vivant? La
question n'est pas tranchée.
Globalement les chercheurs en sont sûrs, il
faut chercher dans les cellules. Mais le français Robert Ladislas nous rappelle
que la matrice extracellulaire joue également un rôle nocif lors du
vieillissement, de même que les fibres protéiques qui se créent à l'intérieur
des cavités cardiaques et les rigidifient petit à petit.
Les experts s'accordent globalement pour
estimer que la trop grande accumulation de cellules sénescentes et la trop
forte disparition de cellules souches actives sont des causes de faibles
renouvellements de nos tissus lorsque nous vieillissons. Ces aspects sont
soulignés dans les présentations de Ken Parkinson, Daniel Muñoz et Henne
Holstege.
Les
thérapies géniques pour après-demain ?
Lorsqu'ils sont interrogés sur le temps nécessaire
au développement d'une thérapie génique pour permettre aux femmes et aux hommes
de vivre plus longtemps, les experts proposent d'abord des dates lointaines mais
admettent ensuite que, si les circonstances sont favorables et les
investissements suffisants un délai de quinze à vingt ans est envisageable. La
science médicale, comme d'autres disciplines, progresse péniblement dans
certains domaines et rapidement dans d'autres.
Du côté des avancées rapides, Jean-Marc
Lemaitre, le célèbre spécialiste français des cellules-souches, nous démontre:
- qu'une cellule de
centenaire peut-être rajeunie d'un siècle puis donner naissance à d'autres
cellules fonctionnelles de tous types;
- qu'il est possible de
faire pousser des organes neufs;
- et que tout un partie
de la biologie se développe ainsi actuellement.
L'intérêt
pour la longévité ne se limite pas aux chercheurs
A côté des exposés scientifiques,
l'Eurosymposium était également consacré à l'environnement socio-économique et
culturel des recherches relatives à la longévité. La date de début de
l'évènement était d'ailleurs symbolique: le 1er octobre est la journée
internationale des personnes âgées, c'est-à-dire une journée internationale de
la longévité. Julien Schreiber, un représentant du Centre d'information régional
des Nations-Unies est venu lire le message du Secrétaire général des
Nation-Unies, Ban Ki-moon, diffusé à cette occasion.
Daria Khaltourina était venue de Moscou, une
capitale où l'espérance de vie est courte, mais où les activistes de la
longévité sont nombreux, organisés et efficaces. Elle explique combien les moyens
financiers et humains dans le monde sont variés, mais insuffisants et elle
propose certaines pistes à explorer pour encourager les recherches.
David Wood, brillant futuriste britannique, a
comparé l'histoire de la recherche aéronautique et celle de la longévité.
Quelques années à peine avant les premiers vols, certains affirmaient encore
l'impossibilité de faire voler des humains dans des appareils plus lourds que
l'air. Ceux qui s'exprimaient ainsi n'étaient pas seulement des incultes
effrayés par les avancées technologiques mais souvent des spécialistes érudits.
Ils se trompaient bien sûr, mais au regard des difficultés de l'aéronautique de
l'époque, leurs erreurs étaient compréhensibles. A l'instar de Louis Blériot
survolant la Manche en 1909 et rendant les citoyens conscients que le transport
aérien n'était plus de la science-fiction, il se pourrait qu'après-demain, une
super-souris ayant atteint un âge canonique (pour une souris) gambade sur les
plateaux télévisés, et annonce à un monde encore incrédule la nouvelle ère de
la longévité humaine.
En conclusion de l'Eurosymposium, les participants ont adopté une résolution
Le texte promeut l'expansion de la recherche
biomédicale en faveur de la médecine préventive pour les personnes âgées et
exhorte les gouvernements et organisations intergouvernementales à:
- prioriser et augmenter
significativement le financement pour la recherche translationnelle en
biogérontologie;
- fournir une
législation favorable à l'enregistrement des thérapies de prévention et de
traitement des processus de vieillissement, leur traduction dans la
pratique clinique;
- permettre au public un
large accès à ces thérapies.
La bonne nouvelle du mois :
Un paralytique remarche grâce à des cellules-souches.
Un paralytique remarche grâce à des cellules-souches.
Pour la
première fois, une personne qui avait perdu l'usage de ses jambes parce que sa
moelle épinière était rompue a pu remarcher grâce à l'implantation de cellules
souches. Les cellules souches neuronales provenaient du bulbe olfactif de la
personne handicapée, une région du cerveau où les neurones peuvent se
multiplier dans certaines conditions. Pour rappel, jusqu'à la fin du 20ème
siècle, l'opinion la plus courante était que les cellules neuronales ne
pouvaient jamais se reproduire chez une personne adulte.
Cette avancée
est une étape de plus dans les processus d'étude de mécanismes de régénération
de tissus et d'organes grâce à des cellules-souches issues des personnes
soignées elles-mêmes.
Pour en savoir plus:
• De manière générale, voir notamment:
• A propos de l'Eurosymposium 2014: www.eha2014.org (site internet) et www.youtube.com/user/HealesMovies (canal YouTube)
• A propos des cellules-souches permettant à un paralytique de remarcher: www.bbc.com/news/health-29645760 (en anglais) et www.ingentaconnect.com/content/cog/ct/pre-prints/content-CT-1239_Tabakow_et_al (article scientifique en anglais)
• A propos de recherche translationnelle (en anglais): en.wikipedia.org/wiki/Translational_research
• Source de l'image: obtenue avec www.wordle.net
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