Thème du mois: Au-delà de la vie biologique, les vertiges du transfert de la conscience
Cette lettre aborde un sujet actuellement purement théorique
et hypothétique.
Nous ne savons pas exactement définir ce que c'est que la
conscience, ce qui fait que nous nous ressentons comme une entité. Au sein des
réponses à ces questions d'une complexité gigantesque, se trouvent notamment des
incertitudes qui vont au-delà de la science. Existons-nous vraiment comme
entité indépendante, avons-nous un libre arbitre, sommes-nous les mêmes au fur
et à mesure que se déroule notre vie?
Pour
aborder le champ prospectif du transfert de conscience, deux hypothèses seront
postulées dans les lignes qui suivent:
- La conscience est liée à un substrat matériel
- La conscience
peut être transférée d'un support organique à un support informatique
Est-ce que le cerveau et l'âme sont indissociablement liés? Une phrase célèbre du siècle passé était "L'âme n'existe pas, je ne l'ai pas trouvée sous mon scalpel". Aujourd'hui, un scientifique pourrait déclarer "Ce que nous appelons l'âme ou la conscience existe, elle se compose de relations chimiques et électriques complexes entre cellules du cerveau, principalement les neurones". Petit à petit, toutes les hypothèses de "détachement de l'âme du corps" perdent du terrain. Il en va ainsi notamment des expériences d'approche de la mort (near death experiment). Certains y voyaient un début de preuve scientifique de l'existence d'un esprit détachable de l'enveloppe charnelle. Cependant, ces moments perçus comme uniques par ceux qui les vivent peuvent aujourd'hui être simulés en laboratoire. Les sensations s'expliquent donc de mieux en mieux par des raisons physiques. Il est notamment possible de reproduire en laboratoire la célèbre sensation de quitter le corps que certains éprouvent à un moment proche du décès.
Est-ce que le cerveau et l'âme sont indissociablement liés? Une phrase célèbre du siècle passé était "L'âme n'existe pas, je ne l'ai pas trouvée sous mon scalpel". Aujourd'hui, un scientifique pourrait déclarer "Ce que nous appelons l'âme ou la conscience existe, elle se compose de relations chimiques et électriques complexes entre cellules du cerveau, principalement les neurones". Petit à petit, toutes les hypothèses de "détachement de l'âme du corps" perdent du terrain. Il en va ainsi notamment des expériences d'approche de la mort (near death experiment). Certains y voyaient un début de preuve scientifique de l'existence d'un esprit détachable de l'enveloppe charnelle. Cependant, ces moments perçus comme uniques par ceux qui les vivent peuvent aujourd'hui être simulés en laboratoire. Les sensations s'expliquent donc de mieux en mieux par des raisons physiques. Il est notamment possible de reproduire en laboratoire la célèbre sensation de quitter le corps que certains éprouvent à un moment proche du décès.
Pour les croyants, la démarche d'intégration de l'état
actuel des connaissances scientifiques est complexe. L'idée de
l'âme immatérielle est profondément ancrée. Elle n'est cependant pas
indispensable à la plupart des religions. Par exemple la résurrection des
chrétiens et des musulmans est matérielle.
Même pour les plus matérialistes des
citoyens, l'esprit se rebelle à l'idée de n'être qu'un assemblage matériel.
Mais, en tout cas, que nous le voulions ou non, tout se passe comme si c'était
le cas.
Si cette hypothèse est correcte, se pose alors une autre question. Peut-on copier cet ensemble? A
première vue, c'est impossible à court, moyen ou long terme. Introduire en
quantité des pièces informatiques, c'est-à-dire des métaux et d'autres produits
étrangers dans le cerveau à travers les différentes zones corticales, les
vaisseaux sanguins, ..., nécessite une chirurgie actuellement impossible dans
cet organe extraordinairement complexe. Il est vrai qu'il est possible
d'intégrer une puce qui sera en liaison avec le cerveau, il est vrai qu'il est
possible d'interagir déjà par la pensée avec un ordinateur, il est vrai que des
expériences audacieuses et/ou angoissantes ont été faites de remplacement de
fonctions de l’hypothalamus d'un rat par un circuit informatique. Mais beaucoup
penseront que jamais dans un avenir prévisible, il ne sera possible de
reproduire un ensemble aussi complexe et dynamique qu'un cerveau humain.
Cependant, malheureusement ou heureusement selon les
opinions, imaginons une perspective pas trop éloignée: le remplacement par
microchirurgie d'un neurone par un équivalent informatique. Le neurone
artificiel s'intègre et se comporte comme un neurone naturel. Si cette
opération peut être automatisée, elle peut alors être refaite une fois puis
cent fois puis des milliards de fois. A un moment, chaque nouveau neurone réagissant
comme un neurone naturel, le cerveau cesse d'être naturel pour devenir
artificiel. Ceci rappelle la situation de l'objet tant de fois réparé que plus rien de la substance originale ne
subsiste. Pourtant c'est toujours le même objet du point de vue de son
fonctionnement. D'ailleurs, la vie elle-même ne cesse de se renouveler,
progressivement. Non seulement, comme disait Héraclite, nous ne nous baignons
jamais deux fois dans la même eau de la rivière mais ce qui compose nos
cellules change constamment au gré d'échanges innombrables.
Une autre approche envisageable à long terme est différente.
Il s'agit de la copie globale suite à un découpage virtuel du cerveau jusqu'à
la taille des molécules. Ni la technique, ni la puissance informatique ne sont
aujourd'hui proches de ces objectifs mais l'accroissement exponentiel des
capacités informatiques rend cette idée imaginable pour certains. Ce serait une
opération complexe mais qui ne nécessiterait pas de comprendre le cerveau
humain, pas plus qu'il n'est aujourd'hui nécessaire de comprendre le texte
d'une page dactylographiée pour la copier.
Une dernière approche encore incroyablement plus complexe
est la création d'un environnement informatique fonctionnant comme le
cerveau suivi de la copie des informations provenant du cerveau vers ce support
informatique.
Dans les exemples qui précèdent, il faudrait aussi relier le
cerveau à des capteurs équivalents à nos sens mais, dans ce domaine,
les connaissances scientifiques progressent assez rapidement en tout
cas pour ce qui concerne le son et l’ouïe. En réalité, ce que nous
appelons nos sens, ce qui nous permet de mesurer le monde extérieur est une
extension de notre cerveau que nous savons progressivement améliorer
techniquement depuis les lunettes séculaires jusqu'aux implants auditifs
cochléaires.
Si le "transfert" ou la "copie" de
la conscience sur un support informatique devient un jour possible, l'ampleur
des questions éthiques et pratiques qui se poseront est absolument
gigantesque.
D'abord, dans le cadre de la lutte contre le vieillissement,
le changement devrait être radical. Certains supports informatiques se
détériorent avec le temps mais les fichiers informatiques eux se conservent
quasiment sans autre limitation que l'accident technique. De plus, les copies
de sauvegarde sont possibles. Plus vertigineux encore, il pourrait être
possible de créer un temps subjectif se déroulant à un autre rythme que le
rythme biologique. Un temps biologique de 24 heures pourrait par exemple
représenter dix jours de temps informatique.
En dehors des questions relatives à la longévité, les
interrogations éthiques sont aussi gigantesques. Voici les principales:
- Serait-il possible et/ou souhaitable de multiplier des
"copies" d'êtres humains identiques ?
- Serait-il admissible de
détruire une "copie" d'être humain, une opération qui pourra être
aussi simple que d'effacer un fichier d'un disque dur d'un ordinateur;
- S'il est possible de "copier" un être humain
sans le détruire, serait-il admissible de créer un équivalent informatique
subsistant à côté d'un 'être humain physiologique ?
- Serait-il possible/admissible de créer des
"copies" d'êtres humains différents des originaux parce que plus
intelligents, plus heureux ou plus gérables ou serviles ?
Mais avant tout, il faudrait bien sûr répondre à la toute
première question: peut-on copier ou créer une conscience?
Notre réaction intuitive à ces questions est de nous dire
que ces idées sont tellement irréalistes qu'elles ne se poseront pas. Dans le
domaine de la science, le passé de ces dernières décennies a cependant prouvé
que ce qui apparaissait comme totalement impossible ne le reste pas
nécessairement toujours. Nous déplaçons de gigantesques monstres de métal dans
l'air, l'homme a marché sur la lune, presque tout ce qui est informatique a le
don d'ubiquité, ...
Prévenir vaut mieux que guérir. Mieux vaut réfléchir pour rien à un
bouleversement incertain que de risquer d'y être confronté sans préparation.
La bonne nouvelle du mois: des télomères pour une vie plus longue ... des souris
Les télomères sont des parties de chromosome en lien étroit avec
la durée de la vie. Ils raccourcissent avec l'âge. Certaines souris ayant une
mutation génétique provoquée disposent de télomères plus longs et vivent plus
longtemps. Des chercheurs espagnols viennent de réaliser une expérience par
laquelle des souris adultes ont reçu cette mutation par thérapie génique.
Autrement dit, les souris étaient nées sans la mutation favorable mais l'ont
reçue une fois adulte. Les souris traitées à l'âge d'un an ont vécu en moyenne
24 % plus longtemps, celles traitées à l'âge de 2 ans en moyenne 13 % de plus.
Pour en savoir plus:
- De manière générale: http://sens.org, http://longecity.org, http://heales.org et http://immortalite.org
- A propos de la "greffe" d'hypothalamus: http://iopscience.iop.org/1741-2552/8/4/046017/ et http://www.kurzweilai.net/artificial-hippocampal-system-restores-long-term-memory
- A propos de la thérapie génique relative aux télomères: http://onlinelibrary.wiley.com/
- Citation de Peter Thiel: http://www.cnbc.com/id/46342312/Investing_in_the_Fountain_of_Youth
- Source de l'image: http://www.flickr.com/photos/jurvetson/5114191251/. Schéma de réseau internet (ressemblant à un réseau naturel)
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