Certains ont rappelé récemment que le niveau de vie augmentait avec les années. Pour de bonnes et de mauvaises raisons, ce rappel a fait l'objet de critiques acerbes.
Et pourtant, l'important n'est-il pas de lutter pour que les plus démunis (ici et ailleurs) disposent d'une part croissante d'une richesse croissante plutôt que de faire croire que la vie devient de plus en plus difficile pour tous?
Par ailleurs, pour les plus favorisés d'entre nous, savoir que nous disposons d'une richesse croissante ne doit-il pas nous inciter à partager plus et à payer plus d'impôts?
Maintenant quelques chiffres:
Jamais dans l'histoire, nous n'avons été aussi riches. Et les années de "crise" ont vu notre niveau de vie s'accroître dans des proportions gigantesques.
Indicateur de niveau de vie (en Belgique) | Hier (1973 ou voir précisions) | Aujourd’hui (2008 ou voir précisions) | Précisions |
Espérance de vie à la naissance | hommes : 68 ans femmes : 75 ans | hommes : 77 ans femmes : 82,5 ans | 1973: Conseil de l'Europe // 972 - 1976: hommes 69, femmes 75: IWEPS. // 2002: Institut national de statistique (INS) // 1995: 74 ans pour les hommes et 81 ans pour les femmes: INS // 2006: Direction générale Statistique et Information économique |
Mortalité infantile | 17,7 décès pour 1.000 naissances | 4,5 décès pour 1.000 naissances | 1973: Annuaire statistique de poche //1984, Institut national de statistique, page 53 // // 2008: Index mundi. |
Pourcentage de ménages propriétaires de leur logement | 54 % | 68 % | 1973 : INS //1995-1996 : courrier hebdomadaire du CRISP, nos 1574-1575, 1997, p.44 // 2001: INS. |
Nombre de personnes par logement | 2,94 personnes | 2,41 personnes | 1970-approximation // 2001: INS. // La diminution s'explique notamment par la diminution de la natalité et la multiplication des familles monoparentales mais aussi par l'augmentation du bien-être. Le pourcentage ménages composés d'une femme ou d'un homme isolé est passé de 18.8 % à 50 % en 1997 (28.4 % en 1980): Service fédéral d'information et De Standaard, vers décembre 1997. |
Logement avec salle de bains ou douches | 49 % | 96 % | 1970-1991 // En 1980 : 76 % // En 1991: 88 % // En 2001: 96 %: INS. |
Logements ayant l'eau courante | 89,8 % | 99,5 % | 1970-1991 // En 1980 : 98 %. // En 1991: INS. |
Nombre de voitures privées | 2.390.000 | 5.050.000 | 1973: Annuaire statistique de poche // 2007 Statbel. |
Nombre de voyages en avion | 3.000.000 | 17.900.000 | Nombre de passagers à Zaventem (1973: approximation, 1987 : 6.200.000) // En 2007: Statbel. |
Nombre de téléphones | 2.483.000 | 15.000.000 | 1976. // De 1990 à 1996, le nombre d'abonnés au téléphone par 1.000 habitants est passé de 392 à 465 : source : Service fédéral d'information // 2001: 83 % des ménages possèdent une ligne fixe: INS. // 2006: nombre de téléphones fixes pour 1000 habitants: 449; nombre de téléphones mobiles pour 1.000 habitants: 919 Statistiques mondiales. |
Part du budget du ménage consacré à l'alimentation | 23,4 % | 13,8 % | 1973 à 1995-1996 (1978:21,1%, 1987 : 18,1 %). Source : courrier hebdomadaire du CRISP, n°s 1574-1575, 1997, p.10. // Voir aussi, Vif-L'express, 1er avril 1994, page 36 // Le soir, février 1997 (vers le 10) // 2000: 13,8: INS. // La part du budget consacrée à l'alimentation est d'autant moins importante que le niveau de vie est élevé |
Part du budget du ménage consacré aux loisirs | 4,7% | 8,0% | 1970-1992. Vif-L'express, 1er avril 1994, page 36 // Pour 1995-1996, courrier hebdomadaire du CRISP, nos 1574-1575, 1997, p.55 mentionne 18 % mais ce pourcentage est calculé sur d'autres bases que les autres pourcentages mentionnés. // De 1990 à 1994, la consommation des ménages pour les loisirs a augmenté de 24 % alors que celle pour la nourriture n'a augmenté que de 5 %: service fédéral d'information. 2000: 8,0: INS. // La part du budget consacré aux loisirs est d'autant plus importante que le niveau de vie est élevé. |
Nombre d'étudiants universitaires | 50.000 | 100.000 | 1973: Approximation // Nombre d'étudiants en Flandre 1990 : 56.627; 1995 : 66.686. In Knack, 2 april 1997, page 73. |
Mais alors, où est passée la crise ?
La croyance en la crise est probablement due notamment aux 6 raisons suivantes :
- Si tous les indicateurs classiques de bien-être sont au vert, il est un indicateur qui reste plus mauvais qu’en 1973, c'est celui du niveau de chômage. Ceci engendre un sentiment aigu d'insécurité d'emploi qui se concilie peu avec le plaisir du bien-être matériel.
- Le niveau de bien-être augmente avec l'augmentation des revenus. Cependant, cette augmentation est moindre au-dessus d'un certain niveau que l'on peut estimer à environ 1.500 ou 2.000 € mensuels par personne. A ce niveau, de vie, qui est souvent le notre, une diminution de niveau est ressentie douloureusement alors qu'une augmentation de revenus n'apporte qu'un peu de bien-être en plus.
- Les années 60 (les "Golden sixties") mais aussi les années d'après-guerre ont connu une accélération encore plus extraordinaire de niveau de vie que les années 80 et 90. Des tickets de rationnement de la fin des années 40 à la télévision dans tous les ménages, il y avait une marge plus grande que pour le passage d'une voiture par famille en 1973 (enfin un peu moins) à une voiture par actif en 1997 (enfin un peu plus). Il semble que le citoyen moyen ne se soit jamais habitué au "ralentissement de l'accélération".
- Le bien-être n'est pas le bonheur. Un des paradoxes de la société de consommation est que les taux de suicide et de "mal-être" sont plus élevés dans les pays les plus riches (par exemple les pays scandinaves ou à l'Est, avant la chute du mur, la Hongrie qui était pourtant "la plus belle baraque du camp socialiste"). Attention, cette constatation appelle des nuances nombreuses dont celle que le taux de suicide varie notamment en fonction de l'acceptation sociale de ce fait. En effet, auparavant, les suicides étaient probablement plus souvent non répertoriés comme tels qu'aujourd'hui.
- La croyance aux "Good old days" a peut-être été inventée en même temps que la mémoire collective. En tout cas, cela fait plusieurs milliers d'années que les personnes âgées regrettent le temps béni de leur jeunesse. Pour les personnes qui ont aujourd'hui 60 ou 70 ans, il faut tout de même une dose de nostalgie considérable pour regretter les tickets de rationnement, la seconde guerre mondiale et le temps où on mourrait à 60 ans.
- Et puis, il y a la raison la plus inavouable. Pour faire pleurer son patron / son contrôleur des contributions / son voisin, il est plus efficace de dire "Je gagne de moins en moins" que de dire "Je voudrais gagner encore plus". De temps en temps d'ailleurs, l'auditeur attentif entendra la phrase "Cela va de plus en plus mal" couplée à la phrase "Et si ça continue on va revenir 10 ans en arrière". Prouvant quand même que la croyance en la crise n'est pas 100 % exacte.
Quelques fausse preuves de la crise :Si demain, nous revenions à la situation "d'avant la crise", l'espérance de vie dégringolerait de 8 ans, la mortalité infantile serait multiplié par 3; 1 million de belges se retrouveraient sans maison et des millions perdraient leur voiture et leur téléphone. Mais certains croient quand même pouvoir prouver qu'il y a crise.
Indicateur de crise | 1973 (ou date indiquée) | 2008 (ou date indiquée) | Pourquoi ce n'est pas la crise |
Dépenses des adultes de 18 à 25 ans | Pourcentage plus élevé | Pourcentage moins élevé | Les dépenses moindres des jeunes s'expliquent par l'allongement des périodes d'études |
Pourcentage de décès par suicides | Pourcentage moins élevé | Pourcentage plus élevé | Le taux de suicides est -malheureusement- plus élevé dans les pays les plus riches. |
Pourcentage de Belges se déclarant très satisfaits de leur vie | 39 % (1973 - 1981) | 24 % (1982-1990) | Le bien-être matériel n'est pas le bien-être tout court. Il faut cependant noter que l'évolution sur la même période est inverse dans la plupart des Etats européens (amélioration de la satisfaction). Source De Standaard, 17-18 januari 1998, p. 25. |
Pourcentage de décès par cancer | Pourcentage moins élevé | Pourcentage plus élevé | Dans les pays les plus riches, les décès évitables deviennent moins nombreux. Par conséquent, les décès actuellement inévitables (ou souvent inévitables) deviennent plus nombreux. |
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